Dans une région nordique et forestière comme le Québec, le chauffage au bois peut être écologique, s’il se fait de façon efficace grâce à des systèmes qui réduisent au minimum l’émission de particules dans l’air, pour la santé des occupants et moins de pollution dans l’environnement.Foyer de masse Jean-David Morneau l'esprit du lieu

Source photo : Jean-David Morneau, l’Esprit du Lieu

Comme toutes les régions nordiques et forestières, le Québec est attaché à une longue tradition de combustion du bois, que ce soit pour le chauffage de l’habitat où simplement pour réunir ses occupants autour d’une bonne flambée chaleureuse et réconfortante. 
Du point de vue écologique, est-ce encore pertinent aujourd’hui? Si ça l’est potentiellement, comment le faire de façon à maximiser cette ressource abondante et locale au Québec, sans toutefois que ce soit au prix de notre santé ou de l’environnement? 
Jean-David Morneau, président et âtrier-maçon de la coopérative de travail l’Esprit du Lieu, est passionné par l’autonomie énergétique et le chauffage efficace. Il partage depuis plus de dix ans ses connaissances, acquises grâce à des études effectuées à l’École des Métiers de la Construction, à l’association Masonery Heater aux États-Unis et à des cours spécialisées en Autriche et au Canada. 
Dans le cadre des formations de Solution ERA, Jean-David présente avec enthousiasme et expertise, des techniques de chauffage au bois efficaces en climat nordique.
 

Le bois énergie et ses différentes formes

 
Qu’est-ce que le bois énergie? Il s’agit du bois et de tous ses sous-produits, permettant de produire de l’énergie. C’est une façon de qualifier cette ressource selon une de ses fonctions spécifiques.
Au Québec, le bois est une ressource locale et abondante. Toutefois, la combustion de celle-ci peut tout de même engendrer de la pression sur les forêts de feuillus. 
Le bois mou (épinette, pin…) est également une solution intéressante pour la combustion. Jean-David nous rappelle toutefois qu’il ne peut être utilisé dans tous les types d’appareils de chauffage au bois, puisque dans un système de combustion lente, cela peut créer des problèmes de créosote et des feux de cheminée. 
Cependant, on peut aisément en faire usage dans le contexte d’un foyer de masse ou d’un foyer de masse Rocket (communément appelé Rocket Stove).
Lorsqu’on possède un boisé sur son terrain, le simple nettoyage des différents types de bois morts ou tombés au sol, permet de s’offrir une source énergétique gratuite afin de chauffer le bâtiment, simplement grâce à un foyer de masse, ou si l’on a conçu une maison performante, nécessitant moins de chauffage qu’un habitat conventionnel.
Bois mort dans la forêt
Récupérer le bois franc local et abondant jeté par l’industrie est également une stratégie intéressante : tel l’usage de palettes de bois par exemple. 
Encore et toujours, dans une optique écologique, le concept des 3R est de mise : le recyclage, la réutilisation et la récupération des déchets des uns permettent de produire les ressources des autres!
 Les déchets de construction peuvent également servir de combustible, en évitant, bien sûr, les bois traités avec des revêtements polluants ou toxiques. Il est donc un peu plus difficile de le recycler, mais il peut facilement servir de bois d’allumage pour tout type d’appareil de chauffage au bois.
bois de construction à réutiliser
Les déchets d’ébénisterie (à condition qu’ils soient exempts de sciures de mélamine, qui contiennent de la colle et du plastique) permettent de fabriquer, par l’action de compresseurs, des rondelles ou des bûches écologiques qui peuvent servir de combustible (très commun en Europe). Il faut mentionner qu’il est plus plausible de trouver ce type de résidus dans les scieries, qui coupent du bois naturel, que dans le reste de l’industrie, qui travaille souvent la mélamine.
La croissance rapide de certaines espèces d’arbustes est à privilégier pour la combustion (une approche encore peu développée au Québec). En l’espace de deux ou trois ans, une espèce de type croissance-rapide (comme le saule) peut être récoltée et transformée en bois compressé ou en granules (pour les foyers à granules). Ce type de culture permet d’utiliser des terres disponibles sans avoir à couper des arbres matures pour se chauffer.
 

Avantages du chauffage au bois

 
Les avantages du chauffage au bois sont multiples. Tout d’abord, la combustion de cette ressource produit beaucoup d’énergie : un mètre cube de bois équivaut à 200 litres de mazout non renouvelable!
Un grand avantage du bois est qu’il facilite l’autonomie énergétique. Dans un bâtiment conventionnel, le chauffage peut représenter 65 % du besoin en énergie. Toutefois, dans le cas d’une maison performante ce pourcentage sera considérablement diminué (pouvant atteindre moins de 30%).
En effet, en appliquant de bons concepts (comme ceux que l’on apprend au Certificat!), on peut réduire le besoin de chauffage à 25% du besoin énergétique par exemple, et combler le reste des besoins grâce à l’énergie solaire, pour un mode de vie offgrid.
Un élément qui va en faveur de l’utilisation du bois de chauffage comme ressource énergétique, est qu’en théorie, le bois est carbone neutre, contrairement aux combustibles fossiles. 
Le CO2 fait déjà partie du cycle de l’écosystème. Afin de croître, le bois récupère le CO2 présent dans l’atmosphère, et lorsqu’il est brûlé, ce CO2 est alors libéré. En d’autres mots, le bois consiste en de l’énergie solaire transformée : puisque l’arbre utilise l’énergie solaire, les minéraux du sol et le CO2 afin de créer la matière ligneuse du bois, et quand celui-ci sera brûlé, il libérera cette énergie solaire emmagasinée.  
Si sa combustion est correctement effectuée, le cycle du bois est donc carbone neutre et n’a pas d’impact sur les changements climatiques, contrairement à l’usage des combustibles fossiles, qui consiste à puiser du carbone enfoui depuis des millions d’années dans le sol (huile, gaz naturel, pétrole et charbon), afin qu’il soit dégagé dans l’atmosphère terrestre.
 

Les inconvénients du chauffage au bois

 
Si la combustion du bois est incorrectement effectuée, cette ressource peut devenir un combustible polluant par le biais de la production d’un grand nombre de particules fines, véhiculées par les fumées s’échappant de la cheminée. 
Le bois brûlé de façon incomplète produit du monoxyde de carbone, du dioxyde de nitrogène et beaucoup d’autres composés (formaldéhyde, benzène, toluène, etc.), des hydrocarbones volatiles et du carbone (suie), qui sont extrêmement dommageables pour la santé. 
Par exemple, entre 2002 et 2008 : presque 43 % des émissions atmosphériques de particules fines au Québec provenaient de la combustion du bois dans le secteur résidentiel! Cela peut engendrer des problèmes pulmonaires, dont l’asthme. 
Pour prévenir ces conséquences sur la santé et l’environnement, qui sont intimement  liées à une combustion incomplète du bois, il est important de le brûler adéquatement, sinon il passe d’excellente ressource de combustion… à source de danger public!
 

Changement de paradigme

 
En tant que culture nordique et forestière, notre tradition du chauffage au bois demeure très importante pour plusieurs, et il s’agit d’effectuer à présent un important changement de mentalité, afin de concevoir le bois comme un combustible qu’il nous faut respecter et brûler adéquatement.
 

Qu’est-ce qu’une combustion efficace et propre?

 
En fait, la pollution du bois consiste surtout en une énergie gaspillée. En effet, 30 % de l’énergie potentielle qui réside dans le bois se trouve dans sa matière ligneuse et 70 % dans les gaz et les particules qu’il émet au moment de sa combustion. 
Si 70 % de cette énergie est gaspillée en laissant les particules s’échapper à l’air libre par la cheminée à l’extérieur du système de combustion, cela représente un gaspillage énorme pour le chauffage du bâtiment, en plus de nuire à l’environnement et la santé humaine! 
La stratégie consiste à brûler la majeure partie des gaz trouvés également dans les particules fines, afin de rentabiliser au maximum la combustion du bois sans danger pour tous et pour la planète.
Pour une combustion efficace, il suffit d’avoir :

  • suffisamment d’oxygène (matière première de la combustion), et en même temps pas trop, sinon cela risque de diminuer son efficacité de combustion
  • suffisamment de carburant (bois)
  • la possibilité de créer beaucoup de chaleur (pour atteindre une température assez élevée) 

Pour un peu de physique… facile et amusante à visualiser :
« L’astuce est de fournir assez de chaleur et d’oxygène (air) dans un état suffisamment turbulent pour persuader les atomes individuels d’hydrogène et de carbone de quitter leurs quartiers confortables dans les hydrocarbures complexes et de s’unir avec les atomes libres d’oxygène, pour ainsi relâcher l’énergie du soleil qui était emmagasinée pendant la croissance du bois. » (Sam Foote)
En effet, la combustion propre du bois s’opère autour de 850 degrés Celsius (et ce sans catalyseur ou autre aide extérieure). C’est une température très élevée, et si on atteint de telles températures dans son poêle à combustion lente… il est possible qu’il se mette à rougeoyer et se tordre!
Pour cette raison, les compagnies produisant des poêles à combustion lente utilisent des technologies (avec ou sans catalyseur) qui permettent au bois d’atteindre un état qui se rapproche de la combustion complète, sans toutefois parvenir à de tels degrés de température.
L’usage d’un foyer de masse ou Rocket (Rocket Stove) permet toutefois d’atteindre de tels degrés de températures en toute sécurité, afin de permettre une combustion ultra efficace de tous les gaz. Ceci réduit massivement les particules produites et rejetées à l’extérieur. 
Pour illustrer ces différences, voici quelques données qui illustrent le nombre de grammes d’émissions polluantes par kilo, produites par chaque système de combustion. Plus l’appareil est efficace, moins il produira de pollution : 
 

  • Le foyer ouvert conventionnel : 13,3 à 42 gm par kg d’émissions dans l’atmosphère (un des moins efficaces et donc un des plus polluants)

 

  • Le poêle conventionnel : 18,5 à 30 gm par kg d’émissions dans l’atmosphère

 

  • Le poêle EPA certifié EPA non catalytique : 4 à 7,5 gm par kg d’émissions dans l’atmosphère

 

  • Le poêle EPA certifié EPA catalytique : 2 à 4,1 gm par kg d’émissions dans l’atmosphère

 

  • Le foyer de masse : 0,5 à 3 gm par kg d’émissions dans l’atmosphère (l’un des plus efficaces et donc un des moins polluants). L’information sur les foyers de masse peut être aussi appliquée aux foyers Rocket (ou Rocket Stove). 

 

  • Le poêle à granules : 1 à 3 gm par kg d’émissions dans l’atmosphère (un des plus efficaces et donc un des moins polluants)

 

Le chauffage au bois au Québec est écologique… s’il est fait de façon efficace!

 
En effet, nous pouvons conclure cette réflexion sur la pertinence actuelle du chauffage au bois au Québec, en rappelant certains points fondamentaux :

  • Au Québec, le bois est une ressource abondante et renouvelable

 

  • Possibilité de récupérer et recycler le bois sous différentes formes pour sa combustion

 

  • Utilisation du bois franc (dur), mou et de la végétation à croissance rapide pour protéger nos forêts

 

  • Le bois est en lui-même carbone neutre

 

  • Il permet de générer beaucoup de chaleur à l’habitat sans avoir recours à l’usage de carburants fossiles (surtout avec des maisons performantes)

 

  • Utiliser des systèmes de chauffage qui réduisent au maximum leurs taux d’émissions dans l’atmosphère, par le biais d’une température élevée qui brûle les particules à la source et les rentabilisent comme source de chauffage dans l’habitat par le biais d’un :

 

    • Foyer de masse ou foyer Rocket (ou Rocket Stove)
    • Poêle à granules 
    • Poêle à bois certifié EPA catalytique 
    • Poêle à bois certifié EPA non catalytique

 
Si vous souhaitez en savoir beaucoup plus sur ces différents systèmes de chauffage au bois, vous pouvez vous référer à l’information sur ce sujet et les façons d’intégrer ces types d’appareils de chauffage à votre projet d’habitat écologique dans le Certificat en Design de Bâtiment Écologique!