Quelles sont les approches gagnantes à adopter pour obtenir l’approbation légale de son projet de construction écologique, en plus de se conformer aux différentes normes de construction, lois et réglementations municipales et provinciales?
Hélène Dubé et Benoît Deschamps, grands pionniers des « Earthships » québécois, ainsi que Benoît Lavigueur, entrepreneur d’expérience dans le domaine de la construction écologique québécoise sont aussi formateurs pour le Certificat en Design de Bâtiment Écologique de Solution ERA.
Leurs conseils et astuces incontournables, provenant d’une riche expérience de terrain, s’alignent tous sur deux aspects fondamentaux à respecter pour assurer la réalisation de son projet :
- Se conformer le mieux possible aux lois et réglementations municipales et provinciales pour éviter que les autorités ne se braquent contre un projet de nature plus alternative et tentent d’en empêcher la réalisation
- Adopter une attitude ouverte, transparente et diligente qui permet de collaborer plus harmonieusement avec les représentants officiels et le futur voisinage afin de faciliter la réalisation du projet
Une question d’attitude
Comme le souligne Benoît Lavigueur, ce dernier point, qui relève d’une attitude d’ouverture et de coopération, s’applique non seulement dans les interactions avec les représentants officiels municipaux ou provinciaux, mais également avec les responsables des institutions financières prêteuses, dont dépendra fort probablement la majorité de votre financement.
Benoît Deschamps, dans son projet innovateur d’« Earthship » québécois, a su créer une construction hybride permettant d’allier les fondements incontournables de la construction écologique aux réalités légales de la réglementation municipale et provinciale québécoise.
Selon lui, parmi les nombreux facteurs de réussite d’un projet d’autoconstruction, la planification demeure un incontournable car elle permet de savoir exactement où s’en va votre projet, en plus de rassurer les autorités sur la validité et la direction que prendra votre futur chantier. Des astuces :
- Avoir des plans de construction très détaillés. Le programme de modélisation 3D SketchUp, gratuit et accessible à tous, est un outil essentiel.
- Avoir un plan B au cas où vous rencontriez des défis. Par exemple, pouvoir demander à un entrepreneur général local un coup de main ponctuel. Cette ouverture permet aussi de faire connaissance avec eux, d’établir des échanges fructueux et, par la bande, de leur faire connaître votre projet, ce qui les familiarise avec d’autres approches.
Benoît rappelle qu’être diligent avec les représentants municipaux, provinciaux ou les entrepreneurs et être « by the book » sur le plan de la réglementation permet de les rassurer et de leur démontrer vos bonnes intentions. Posez-leur des questions et suivez leurs directives. Lorsque viendra le temps de faire tolérer des écarts aux normes, ils seront alors eux aussi plus ouverts!
Une attitude d’ouverture permet également d’être sur la même longueur d’onde avec son futur voisinage. Par exemple, avant même de faire l’achat du terrain, il est important d’être au fait des valeurs soutenues par vos voisins et votre environnement.
Si vous avez un projet plus alternatif et que vous faites du compost, que vous avez des poules dans votre cour, ou des ruches, cela sera-t-il accueilli favorablement par vos voisins? Cela risque-t-il d’engendrer des plaintes légales de leur part? Benoît a volontairement implanté son projet au sein d’un écoquartier pour une intégration plus harmonieuse. Renseignez-vous, discutez avec votre futur environnement immédiat.
Lois et réglementation en bâtiment
Benoît Deschamps présente de façon très détaillée dans le Certificat en Design de Bâtiment Écologique les différentes lois et réglementations québécoises auxquelles sont assujettis tous types de bâtiments, qu’ils soient alternatifs, écologiques ou standards.
Il y a quelques familles de lois qu’il faut absolument connaître et respecter afin de permettre l’approbation et la réalisation de votre projet.
Normes de construction municipales
Elles sont propres à la municipalité concernée. Il est fondamental de valider les informations suivantes avant de débuter vos plans d’habitat, ou du moins d’être prêt à ce qu’ils soient largement modifiés en cours de route, suite à l’obtention de ces informations.
Choix du zonage
Il est incontournable d’être au fait de cet aspect, car plusieurs projets écologiques ont été bloqués dû à des problèmes de zonage. Quelles sont les normes municipales applicables au zonage sur lequel se trouvera votre terrain. Qu’est-ce qui y est permis et qu’est-ce qui ne l’est pas?
En effet, le zonage résidentiel est subdivisé en sous-catégories : « résidentiel spécial », « résidentiel fermette », « résidentiel écologique », etc. À quelle catégorie votre projet se rattache-t-il? Chacune de ces catégories est associée à un code (ex. 204) duquel découle toute une série de normes. La plupart des municipalités québécoises ont le même modèle, mais il reste fondamental de bien s’informer sur les normes de la municipalité concernée.
Marges de dégagement
Les marges de dégagement par rapport aux lignes de terrain; où exactement êtes-vous autorisé à construire sur votre terrain?
Superficie maximale de l’habitat
Vous souhaitez construire un habitat de petite taille? Assurez-vous de vérifier auprès de la ville quelles sont les dimensions permises. Cela est souvent réglementé par les municipalités, ex. : nombre de mètres carrés, nombre d’étages, hauteur de l’habitat, etc.
Permission d’utiliser les pneus
Pour les amateurs d’« Earthships », la majorité des règlements municipaux québécois ont une clause qui interdit l’utilisation des pneus comme mur de soutènement. Un mur d’« Earthship » est-il un mur de soutènement?
Benoît, pour son projet alternatif, en a discuté préalablement avec l’inspectrice-urbaniste de sa municipalité. Ils ont pu conclure que ce n’était pas réellement un mur de soutènement à proprement parler, mais plutôt un mur de fondation. La question du choix des mots peut faire toute la différence!
Il est fondamental de s’assurer que ceci est entièrement compris par la municipalité. Si les représentants de celle-ci sont motivés, pour quelque raison que ce soit, à ce que votre projet ne se concrétise pas, ils pourront jouer sur les termes et les subtilités légales. D’où, encore une fois, l’importance de la diligence et d’une attitude collaborative!
Normes de construction provinciales
Les lois provinciales, dont celles sur la construction, ne sont applicables que dans chacune des provinces respectives et elles sont régies par quelques organismes.
1. RBQ (Régie du bâtiment du Québec).
Son champ de juridiction est davantage lié aux projets commerciaux et industriels. Elle a toutefois juridiction au niveau du chapitre 11 de la section résidentielle, qui concerne l’efficacité énergétique des bâtiments.
Efficacité énergétique
Si vous souhaitez bâtir de façon plus alternative, vous y êtes tout à fait autorisé, mais vous devez absolument vous assurer que du point de vue de l’efficacité énergétique, votre bâtiment est aussi efficace, voire plus, que le modèle de référence fourni par la RBQ.
Vous serez peut-être amené à effectuer une étude d’efficacité énergétique. En créant un modèle de votre habitat sur SketchUp, vous pourrez le combiner au petit logiciel Énergie+ pour effectuer des simulations, tel que Benoît l’a fait pour son projet, afin de justifier qu’il répondait aux normes de la RBQ.
Qualité de l’air
La RBQ exige également un standard pour la qualité de l’air qui est celui de l’Ashrae. Dans bien des cas, cela nécessite l’installation d’un système mécanique pour gérer la qualité de l’air, tel un échangeur d’air récupérateur de chaleur. Cette exigence est même incluse au code du bâtiment.
À moins d’être capable de prouver par simulation que les changements d‘air à l’heure dans votre habitat seront conformes à ces normes, vous serez probablement dans l’obligation d’investir dans l’installation d’un échangeur d’air comme a dû le faire Benoît dans son projet.
Gaz naturel et électricité
Tout ce qui concerne le gaz naturel et l’électricité est également réglementé par la RBQ pour la section résidentielle. Cela inclut l’entrée et la sortie pour Hydro-Québec et les boîtes de 220 ampères, qui se doivent absolument d’être installées par un maître électricien. Les autres installations relèvent du domaine de compétence des différentes branches de métiers de la construction ou de celui de l’autoconstructeur.
Bâtir en autoconstruction
La réglementation concernant l’implication de bénévoles sur un chantier de construction a été récemment révisée par le gouvernement du Québec, et le bénévolat sur un chantier de construction est maintenant plus toléré qu’il ne l’était jusqu’à dernièrement.
Assurez-vous toutefois de bien valider auprès de la RBQ si le bénévolat sur votre chantier est permis, car sinon votre permis de construire pourrait être révoqué!
Pour ce qui est de l’usage des pneus comme matériau en autoconstruction, l’avantage est que leur installation n’est pas associée à un corps de métier en particulier. Leur installation grâce au soutien de bénévoles n’a jamais été interdite.
Entrepreneurs en construction
La RBQ demande que soit fournie, pour tout chantier de construction, une liste de tous les entrepreneurs qui ont été employés pour le projet, avec leur numéro de licence RBQ. L’objectif est de s’assurer d’un côté, que les entrepreneurs avec lesquels vous faites affaire cotisent leurs droits de licence et de l’autre, que vous avez sollicité les services de corps de métier appropriés.
2. La CCQ (Commission de la construction du Québec)
Elle est responsable de conventionner le salaire des travailleurs de la construction. Chaque corps de métier possède sa convention et la CCQ s’assure qu’il n’y ait pas de travail au noir. De plus, elle s’assure de protéger les emplois et la qualité du travail effectué par ces corps de métiers. Ce qui explique la réticence à la participation de bénévoles sur les projets d’autoconstruction.
3. Le MDDELCC (Ministère du développement durable, environnement et lutte aux changements climatiques)
Il régit tous les aspects liés à l’environnement, dont le rejet des eaux usées. Le règlement Q2R-22 (anciennement Q2-R8), qui est en voie de modification à ce jour, permettra prochainement l’installation légale des toilettes à compost (toilettes sèches).
Pour le moment, il y existe encore beaucoup de conditions à remplir afin d’obtenir le droit d’installation de toilettes à compost dans son habitat. Chose certaine, l’installation d’une fosse septique demeure toujours obligatoire au Québec, une loi qui ne peut être contournée pour le moment. Le dossier avance peu à peu.
Les servitudes légales
Il est très important d’être au fait de certaines lois, souvent notariées, qui donnent des droits d’accès à votre terrain ou exigent l’usage ou l’absence d’usage de certains éléments.
Au moment de l’achat du terrain par Benoît dans son écoquartier, les documents officiels comprenaient une annexe qui consistait en une servitude liée au cadastre qui interdisait l’usage de scies mécaniques et de tondeuses à essence, et obligeait l’usage du solaire passif et la réutilisation de matériaux. Ceci permettait de protéger la vocation de cet écoquartier, ce qui arrangeait aussi Benoît pour son projet écologique.
Les servitudes légales peuvent toutefois ne pas être à votre avantage. Être bien au fait des différentes clauses qui les constituent avant d’acheter un terrain et de commencer son projet est fondamental, car cela peut parfois entraîner des conséquences coûteuses.
Par exemple, Bell ou Hydro-Québec, dont les poteaux sont installés sur les terrains de particuliers, possèdent une servitude légale sur quelques pieds de chaque côté de la ligne électrique. La construction d’un bâtiment, l’installation d’une piscine ou une modification dans le nivellement du terrain dans cette zone sont formellement interdits.
De plus, la servitude leur octroie le droit de couper la végétation et de circuler dans cette zone avec des camions!
Les lois non écrites ou verbales
Dans le droit civil, une clause stipule que si une personne utilise une parcelle de terrain ou un droit de passage sans que cela n’ait nécessairement été écrit, et ce pendant un certain temps, cela devient un droit acquis.
Il est important que ces ententes verbales effectuées entre le précédent propriétaire de votre terrain et votre voisinage soient clairement validées avant l’achat du terrain.
N’hésitez pas, encore une fois, à rencontrer vos voisins, à leur poser des questions et établir un climat d’ouverture, de confiance et de transparence, qui préviendra d’éventuels conflits et recours légaux auprès de la municipalité.
Autre élément informellement défini par le voisinage : l’entente tacite d’installer un revêtement extérieur similaire pour les bâtiments. Même si ce n’est pas une loi écrite, cela demeure un consensus dans la région. À vous de voir si cela vous convient ou non. Vous êtes le nouvel arrivant.
Il arrive que la rébellion face à ce genre de détails suscite des conflits qui peuvent escalader jusqu’à la municipalité qui tend souvent à soutenir le consensus informel. Il est fondamental d’en être conscient et de s’assurer de ne pas venir imposer quelque chose qui risque de se mettre le voisinage et la municipalité à dos, surtout lorsqu’on instaure un projet plus alternatif.
En bref
C’est un défi de construire hors-norme tout en se conformant à toutes les réglementations qui ont été conçues pour la construction conventionnelle. Cela demande beaucoup d’adaptation pour demeurer dans la légalité, tout en respectant les valeurs de son approche et de son projet.
Toutefois, s’adapter à son environnement tout en conservant l’essence de sa vision écologique permet d’obtenir beaucoup plus facilement un permis, du financement et des assurances.
Au-delà de cela, une attitude qui valorise une harmonisation avec le voisinage et la municipalité permet de générer un haut taux de résilience par rapport à son projet de construction, et de créer une qualité de vie appréciable à long terme!
Bonjour Je suis conseillé à lacolle je travaille sur le comité environemerale.
J ai un volet réglementation que je veux travailler.
Quelles sont les règlements que je pourrais ajouter ou modifier .Qui encouragerait ou obligerait de construire des habitations eco-responsable. Et de favoriser des eco-quartier.
Mefci
Bonjour! Nous serions très intéressés à collaborer avec vous sur ce genre de projet, si vous souhaitez un échange plus approfondi! En attendant, voici quelques pistes :
-Autoriser les panneaux solaires et autres dispositifs de captation de l’énérgie solaire (comme chauffe-air, puits canadiens à l’air, etc.)
-Autoriser les potagers en façade
-Ecoquartiers : favoriser les projets intégrés, la densification des habitations, les multi-logements et condos en campagne, avec de faibles ratios d’occupation du sol.
-Favoriser la présence d’animaux en petites quantités (micro-fermes, etc.)
-Favoriser les rénovations écoénergétiques (congés de taxes équivalents au coût de la certification la plus chère obtenue (PassivHaus, LEED, Living Buiding Challenge, etc.)
-Favoriser l’accès à de l’aide pour trouver et obtenir des subventions et certifications
Bonjour avec tout ces informations je sais quand même pas par où commencer. L’idée visée ici c’est une micro ferme et la maison de base une kerterre.
Je devrai développer mes plans de maison te de projet en respectant au plus poche les norme de la
Municipalité visées et ensuite leur présenter mon projet?
C’est exact! Nous vous suggérons de consulter les articles de cette catégorie de notre blogue pour vous aiguiller étape par étape : http://solutionera.com/habitation-ecologique/reglementation-construction/
Et auriez vous des pistes pour des municipalités ou les projets alternatif son plus accepté? Je suis du Québec je précise! Merci
Bonjour Jonathan! Voici une petite liste qui pourrait vous éclairer :
– pour les mini maisons : https://la-mini-maison.com/2019/08/04/les-municipalites-qui-acceptent-les-mini-maisons-au-quebec/
– pour les autres bâtiments écologiques, la réponse de écohabitation sur leur forum redirige à quelques outils pratiques sur leur site : https://www.ecohabitation.com/discussions/3031/construction-ecologique-quelles-sont-les-municipalites-ou-regions-qui-sont-le-plus-favorable-a-lecoconstruction/
Sinon, cet article parle entre autres des normes municipales générales à respecter pour votre projet : http://solutionera.com/habitation-ecologique/reglementation-construction/habitation-ecologique-municipalite-normes-construction/
Et dans la section PLANIFICATION, CONSTRUCTION & RÉGLEMENTATION de notre blogue, vous trouverez de plus amples informations sur comment présenter un projet à une municipalité et le faire accepter avec le moins de frictions possible 🙂
Bonjour
Je reçois tout vos vidéos! Merci ! Je suis professeur arts média et dram et éducation physique. Je vie en appartement, je prévois ce projet d’autonomie. Mais , financièrement, je n’arrive pas à trouver des solutions.
Est-ce que j’achète un condo ou maison et je le transforme? Ou j’attends d’avoir les sous et je fais construire ?
Merci
Bonjour Jacinthe! En ce moment, le marché immobilier est complètement fou! Toutefois, même dans ces circonstances, acheter un condo ou une maison avec du potentiel (bien aligné (e) avec le soleil, fenestration/marquises, isolation, étanchéité, masse thermique) et le rénover au rythme de votre budget et de la stabilisation du coût des matériaux demeure toujours l’option la plus abordable et écologique (la maison la plus écolo est celle qu’on ne construit pas!). Un bon point de départ serait de trouver des stratégies d’économies innovantes comme l’immobilier (même sans mise de fond, c’est possible), ou autres investissements. On en parle dans le Membership et dans certaines conférences du Certificat.