Habiter dans un logement plus sain et moins énergivore ne coûte pas plus cher. Au contraire, si on prend en considération tous les avantages d’une maison écologique versus une maison normale, c’est une solution à la portée de tous pour améliorer sa santé, sa consommation d’énergie et son autonomie.
3 experts du bâtiment écologique nous expliquent ce qu’il est possible de faire, que ce soit en rénovation ou en construction neuve, pour une maison écologique, saine et résiliente avec :
Benoît Lavigueur : consultant et entrepreneur général en bâtiment écologique – défenseur des maisons haute performance
André Fauteux : fondateur, éditeur et rédacteur en chef du magazine La Maison du 21e siècle – porte-parole québécois des maisons saines
Frédéric Wiper : cofondateur de Solution ERA et spécialiste des Earthships – passionné de maisons résilientes
Quelles sont les caractéristiques d’une maison écologique et haute performance?
Une maison écologique n’est pas si différente d’une maison normale. Dans la pensée collective, on imagine souvent les habitats écoénergétiques comme un concept très novateur avec :
- panneaux solaires
- murs en ballots de paille
- géothermie
- design ultramoderne
Dans la réalité, on peut construire ou rénover de manière écologique beaucoup plus simplement. Et pour les habitants, vivre dans une maison haute performance s’apparente à vivre dans une maison tout ce qu’il y a de plus traditionnel. L’intérêt premier de ce type de maison écologique, c’est la rentabilité du bâtiment et son impact sur la santé des occupants.
Pour Benoît Lavigueur, ce type d’habitation cumule plusieurs caractéristiques :
- plus d’efficacité au niveau énergétique
- une consommation électrique réduite de 50 % minimum
- une vie plus saine pour les occupants
Quand on planifie ses rénovations ou la construction d’un nouveau logement, la priorité est de travailler sur l’isolation et l’étanchéité.
Premièrement, intégrez des techniques de design solaire passif à votre construction. Vous profiterez ainsi de l’énergie du soleil pour vous chauffer et plus de confort dans une habitation baignée de lumière. Sans parler de la réduction de votre facture de chauffage!
La facture pour chauffer une maison unifamiliale se situe entre 1500 $ et 2000 $ par année. Pour une maison basse consommation, on peut facilement réduire le montant à près de 500 $ par année.
Et dans le cas de maison très haute performance (certification Passivhaus) on a plus besoin de chauffage du tout!
En effet, dans le domaine de l’habitat éco-énergétique performant, il existe plusieurs certifications. On vous présente les 3 principales.
Certification LEED
La certification LEED (Leadership in Energy and Environmental Design) récompense les maisons conçues pour réduire leur impact énergétique et environnemental. Elle donne des points pour chaque bon geste écologique réalisé sur un bâtiment. En France, l’équivalent est la certification HQE (Haute Qualité Environnementale).
Certification carboneutre
La certification carboneutre évalue la quantité de carbone émis pendant la construction. Cela prend en compte le cycle de vie des matériaux sur 60 ans : fabrication, transport et utilisation.
Une fois la quantité de carbone émis évaluée et réduite au maximum, on compense les émissions restantes avec l’achat de crédits carbone. Le crédit carbone rééquilibre les émissions de GES et remet les compteurs à zéro, en quelque sorte.
Certification Passivhaus
La certification Passivhaus atteste d’un très haut niveau de performance. Avec une maison passive, il n’y a plus besoin de système de chauffage ou de climatisation. L’énergie solaire, la structure et les matériaux à forte masse thermique suffisent à maintenir une température confortable tout au long de l’année.
Quand on parle de maison haute performance, il s’agit d’un bâtiment aligné sur le niveau d’exigence Passivhaus. Voici 6 caractéristiques rattachées à ce type de construction :
- Utiliser la science du bâtiment pour déjouer certaines problématiques rencontrées dans la construction traditionnelle (humidité, condensation, infiltrations, fuites d’air). On évite ainsi les problèmes de moisissures qui génèrent des problèmes de santé.
- Construire un bâtiment durable avec des matériaux sains et naturels, autant que possible. Par exemple, un toit en métal aura une durée de vie 4 fois plus longue qu’un toit en bardeaux d’asphalte. Et un parquet en bois franc durera au minimum 3 fois plus longtemps qu’un plancher flottant.
- Réduire la consommation d’énergie au maximum. Le design des bâtiments est adapté pour atteindre des objectifs énergétiques élevés. Les structures sont compactes pour limiter les déperditions d’énergie. L’espace est optimisé pour gagner du pied carré. Pensez-y, sii vous réduisez la surface habitable de 10 %, vous faites une économie automatique de 10 % sur vos frais de chauffage!
- Appliquer les techniques du design solaire passif. L’orientation du bâtiment permet de bénéficier du rayonnement solaire. La fenestration sera principalement orientée au sud. Et pour éviter les surchauffes estivales, on place des pare-soleils à chaque fenêtre!
- Assurer l’étanchéité de l’enveloppe du bâtiment, c’est-à-dire les fondations, les murs et le toit. Ce point est crucial autant en construction qu’en rénovation. Pour les habitations existantes, la 1re étape consiste à faire un test d’infiltrométrie.
C’est un test peu pratiqué en général. D’abord, parce qu’il est peu connu du grand public, ensuite, parce qu’il demande beaucoup de minutie dans son exécution. Par conséquent, c’est un service qui n’est pas souvent proposé. Mais il est possible de réaliser le test gratuitement dans le cadre d’une évaluation de Rénoclimat!
Il faut savoir que l’étanchéité a plus d’impact que l’isolation sur la consommation d’énergie d’une maison. Lorsqu’on fait le calcul, on perd 2 fois plus d’énergie dans un bâtiment par manque d’étanchéité que par manque d’isolation.
Et c’est logique quand on y pense! Prenons l’exemple d’un très bon manteau d’hiver. Quand on le porte sans prendre la peine de le fermer, on a plus froid qu’avec un manteau moins épais, mais dont la fermeture est remontée jusqu’en haut.
Assurer une bonne isolation demeure toutefois très important. L’isolation limitera le transfert de température entre l’air intérieur et l’air extérieur. Pour cela, on opte pour des fenêtres haute performance.
La maison basse consommation est généralement construite avec des matériaux plus sains. Ceci dit, vous n’avez pas besoin de certification pour vivre dans une maison plus saine!
Quelles sont les caractéristiques d’une maison saine et naturelle?
Une maison saine peut être construite avec des matériaux naturels, mais ce n’est pas une obligation. Pour profiter d’un environnement sain, il faut d’abord miser sur la qualité de la construction.
En respectant le Code du bâti ment du Québec et en veillant à choisir des matériaux non toxiques, il est possible de construire des maisons saines sans budget supplémentaire.
Quand André Fauteux parle de maison saine, il prend en considération 3 familles de polluants :
- Les polluants biologiques
- Les polluants chimiques
- Les polluants électromagnétiques
Les polluants biologiques
Les problèmes d’étanchéité et de ventilation sont à l’origine de la pollution biologique dans un logement. Si de l’air passe dans les murs, la condensation s’y installe. Et c’est ce qui est à l’origine de bien des problèmes…
- Les maisons neuves ne sont pas inspectées et ne sont pas tenues de faire de test d’infiltrométrie. Il n’est pas rare qu’il y ait des fuites d’air au niveau des portes, fenêtres et de l’échangeur d’air, même dans les nouvelles constructions.
- Un autre cas courant, c’est celui de la maison parfaitement étanche, mais mal ventilée. Les systèmes de ventilation ne sont pas assez efficaces et cela crée des problèmes d’humidité.
Dans ces 2 cas, les occupants risquent des problèmes respiratoires à cause de l’humidité, des acariens et des moisissures.
Les polluants chimiques
Les polluants issus des solvants, des colles et des vernis se multiplient dans les habitations. Individuellement, les polluants chimiques peuvent être classés à des niveaux de dangerosité plus ou moins élevés.
Le problème, c’est la soupe chimique dans laquelle nous finissons par vivre. Tous ces polluants additionnés, que l’on respire au quotidien, ont des effets néfastes pour la santé.
Les principaux responsables sont : les peintures, les finis et les armoires.
La meilleure stratégie est de réduire les polluants à la source en choisissant des matériaux sains :
- Peintures naturelles ou sans COV (composés organiques volatils)
- Bois sans formaldéhydes
- Produits d’entretien et parfums d’intérieur naturels
- Meubles sans COV
Il faut savoir que certaines mousses flexibles utilisées pour faire des divans, matelas, coussins, etc. émettent des produits toxiques dans l’air.
Quant aux planches de bois agglomérés, elles sont souvent collées avec des produits contenant du formol. Ce bois émet du formaldéhyde, un gaz toxique qui abîme les voies respiratoires.
Notez que l’OSB n’est pas dangereux, il est fabriqué avec une colle au phénol.
Portez une attention toute particulière aux :
- Armoires
- Meubles
- Moulures décoratives intérieures en MDF
- Sofas
- Literie
Le formaldéhyde et d’autres produits toxiques volatils s’accumulent dans les maisons de cette manière. Et ils émettent davantage en été quand le climat est chaud et humide, alors pensez à bien aérer.
Les polluants électromagnétiques
Le champ électrique correspond au voltage et le champ magnétique au courant (ou à l’ampérage). On parle de « champ électromagnétique » quand les 2 sont associés.
Pour éviter les polluants électromagnétiques, il y a plusieurs solutions :
- Mettre en place un bon filage avec des câbles commerciaux BX blindés en aluminium qui bloquent le champ électrique
- Câbler la maison pour avoir recours au WIFI seulement quand nécessaire
- Débrancher tous les appareils sans fil le soir
En effet, c’est encore davantage le soir et la nuit qu’il faut éloigner ces appareils, car le corps se repose et se régénère. Veillez à n’avoir aucun champ électromagnétique autour des lits.
L’exposition prolongée aux champs électromagnétiques peut créer des problèmes de santé. Lorsqu’on s’éloigne à 3 pieds (1 mètre), il devient généralement inoffensif.
Que vous soyez locataire ou propriétaire, vous pouvez dès maintenant mettre en pratique plusieurs de ces conseils dans votre logement.
Quelles sont les caractéristiques d’une maison résiliente et autonome?
La maison résiliente s’intéresse aux questions d’approvisionnement en eau, en énergie et en nourriture. L’objectif principal est de gagner en autonomie pour s’assurer plus de sécurité alimentaire et énergétique.
Dans les temps plus difficiles, comme celui qu’on a connu avec la crise du verglas de 1998, ou que nous connaissons en ce moment même, une maison autonome est un refuge. Elle répond aux besoins de base de ses habitants.
Nous vivons à une époque d’abondance. Mais celle-ci est dépendante de systèmes sur lesquels nous n’avons que peu d’influence au niveau individuel. La maison autonome et résiliente est une des solutions pour apporter eau, chaleur et nourriture quand les sources d’approvisionnement traditionnelles viennent à manquer.
L’autonomie en eau
Puisque l’eau nous tombe sur la tête, pourquoi ne pas la récupérer? Avec un système de filtres, on peut enlever facilement toute trace de polluants et de poussière dans l’eau de pluie, surtout pour des usages domestiques (le système devient plus complexe pour l’utiliser pour la consommation humaine).
Vous pouvez également recréer un cycle de l’eau dans votre maison, comme le fait la nature.
Nous produisons tous les jours des eaux grises, qui proviennent de nos activités d’hygiène et de nettoyage. Il s’avère que cette eau grise fait le bonheur des végétaux qui transforment nos déchets en nutriments. Il suffit alors d’alimenter une serre avec cette eau pour produire de la nourriture fraîche et de saison. Vous ne trouverez pas plus local!
L’autonomie en chaleur
Utilisez l’énergie du soleil en vous alignant avec la nature : mettre ses fenêtres au sud sur un bâtiment neuf ne coûte pas plus cher. Vous utilisez simplement un principe de design solaire passif.
On peut aussi ajouter de la masse thermique pour conserver la chaleur. Les matériaux avec une forte masse thermique diffusent progressivement la chaleur accumulée pendant le jour. Ils apportent fraîcheur ou chaleur, selon la saison, tout au long du jour et de la nuit.
L’autonomie en électricité
Posez des panneaux solaires sur la surface de toiture de votre maison. Avec le temps, les panneaux photovoltaïques deviennent de plus en plus abordables. De plus, ils sont relativement faciles à monter et ne demandent aucun entretien.
L’autonomie en nourriture
Au Québec, la plus grande part de notre nourriture provient de l’extérieur du pays. Son transport est la 1ère cause de GES (gaz à effet de serre). Quant à la nourriture produite localement, elle nécessite des installations chauffées au mazout. Ce qui n’arrange pas le taux d’émission carbone.
Une serre intégrée à son habitation permet de produire de la nourriture fraîche chez soi. Elle contribue à augmenter la résilience alimentaire et réduire les émissions de GES.
De façon générale, pour gagner de l’autonomie, retenez que les systèmes les plus simples sont les plus résilients. Pour celles et ceux qui souhaitent devenir plus indépendants, évitez autant que possible la complexité. Moins il y a de systèmes mécaniques, moins il y a de maintenance, de risques de bris et de réparations à faire.
Un système géothermique ou une thermopompe, par exemple, sont écologiques et restent des solutions saines et durables intéressantes. Simplement, quand on peut s’en passer, on évite des frais d’installation et de renouvellement de l’équipement.
Au final, tout ce qui est mécanique est amené à briser. Et cela vous contraint à une certaine dépendance auprès des fournisseurs, des installateurs et des réparateurs.
L’autonomie au Québec est toujours partielle au niveau individuel. On peut tendre à plus de résilience, mais on ne peut pas se passer totalement des différents réseaux de distribution, à moins de vivre en communauté et de partager les ressources!
Pourquoi s’intéresser aux maisons écologiques, saines et autonomes?
Contrairement aux idées reçues, construire des maisons écologiques ne coûte pas plus cher. Le prix de départ sera plus élevé, mais les frais d’utilisation et d’énergie seront plus bas. Et quand on est capable de moins dépenser pour sa maison, on peut rembourser son hypothèque un peu plus vite et économiser sur les intérêts.
Et puis, dans une perspective à plus long terme, les bâtiments bien construits sont beaucoup plus durables : vous dépensez moins en rénovations!
50 % de la population au Québec est victime d’une maladie chronique (allergie, asthme, etc.). On sait pourtant qu’avoir une hygiène de vie et un environnement plus sain peut résoudre de nombreuses maladies. Les frais au niveau de la santé ne sont pas à négliger non plus!
Aujourd’hui, nous disposons de toutes les connaissances et techniques pour améliorer nos habitats. C’est une période charnière, tant au niveau mondial qu’au niveau local, pour agir pour l’environnement et notre santé.
Les réseaux de distribution des matériaux, les formations et les professionnels sont disponibles. Par conséquent, la construction de maisons saines et durables est devenue accessible à tous.
Y a-t-il des réglementations à l’origine des problèmes de construction d’une maison normale?
Le standard de construction au Québec, c’est le Code du bâtiment. Nous avons déjà à disposition une excellente base pour construire des bâtiments durables et écologiques.
Les problèmes dans les maisons proviennent de 2 choses :
- La manière dont elles sont bâties
- La façon dont elles sont utilisées
Les habitants peuvent faire déjà une grande différence à leur niveau. Il s’agit de s’informer pour apprendre à bien ventiler et gérer l’humidité produite par son activité. Il y a donc tout une éducation à faire sur la science du bâtiment pour que les usagers comprennent les mécanismes en place.
Et il en va de même pour les constructeurs. Plus de formations permettraient une prise de conscience de leurs responsabilités. Les inspecteurs du bâtiment au Québec constatent que seulement 15 % des maisons construites respectent le Code du bâtiment. Actuellement, les chantiers de construction ne sont pratiquement pas inspectés, ce qui laisse place à plein d’erreurs et un grand manque de rigueur.
Si toutes les constructions respectaient le Code du bâtiment, le parc immobilier québécois serait déjà beaucoup plus écologique. Le Code intègre toutes les notions de durabilité, d’étanchéité à l’eau, d’isolation, même si c’est à un niveau encore un peu trop limité au goût de nos experts.
Pour les particuliers, il existe le programme Novoclimat qui a été mis en place par le gouvernement. Tout le monde y a droit pour ses projets de construction et de rénovation. C’est totalement gratuit et cela vous donne accès à des subventions.
Novoclimat réalise 2 inspections pour évaluer l’isolation, l’étanchéité et la ventilation de votre habitation.
Si vous avez un projet à venir, commencez par vous inscrire à ce programme!
Les actions faciles à mettre en place pour rendre sa maison plus écologique
Voici quelques gestes simples pour faire un premier pas vers une habitation plus saine et plus écoénergétique.
- Se former
L’éducation, c’est le pouvoir. Les citoyens consommateurs ont le potentiel de faire bouger les choses à travers leurs choix. - Changer le pommeau de douche
Un pommeau de douche bas débit, c’est environ 80 $ d’électricité économisés par année. - Limiter les champs électromagnétiques
Passer un câble ethernet pour éviter d’utiliser le WIFI à la maison lorsqu’on peut l’éviter. - Faire pousser des légumes
Progressez dès maintenant vers une autonomie alimentaire. Ajoutez quelques bacs d’aromates et de légumes sur votre balcon ou dans votre cour arrière.
À présent, vous en savez plus sur les différences entre une maison normale et une maison écologique. On espère que l’expérience de nos 3 experts et leurs conseils avisés ont déjà fait germer des idées pour vos projets! Si vous en voulez plus, il y a toujours le Certificat en Design de Bâtiment Écologique 😉
🌎 Un grand merci à André, Benoît et Frédéric pour avoir pris le temps de partager leurs savoirs et leur vision d’un monde plus sain et plus résilient.
🌱 Pour continuer à les suivre et en savoir davantage sur leurs projets, voici comment les retrouver :
Benoît Lavigueur : benoitlavigueur.com
André Fauteux : maisonsaine.ca
Frédéric Wiper : Solution ERA
Bonjour,
Je suis en projet de construction. Par rapport à la problématique des flux d’air je m’intéresse aux puits canadiens. Je n’ai pas trouvé d’informations concernant la mise en place de ce procédé dans vos articles. En avez vous ? Quel système de ventilation complète l’installation de puits canadiens?
Merci pour vos informations précieuses.
Bonjour Audrey! Non nous n’en avons pas encore parlé, mais nos amis de chez Écohabitation ont un dossier sur le sujet! : https://www.ecohabitation.com/guides/2601/puits-canadien-comment-le-dimensionner/