Vous vous souvenez du flushgate de l’automne 2015 à Montréal ? L’événement a beaucoup fait jaser, parce que près de 5 milliards de litres d’eaux usées ont été déversées directement dans le fleuve St-Laurent. Une image de papier de toilette accroché aux branches des berges a particulièrement marqué mon esprit et témoigne de l’appétissante réalité qui se cachait alors dans notre fleuve, source d’eau potable pour plusieurs municipalités en aval dans l’est de la province. Miam !
Cet événement est encore plus révoltant quand on apprend qu’il est loin d’être isolé. En 2013 seulement, 45 512 surverses ont eu lieu directement dans nos lacs, rivières et fleuve. Cette pratique est en effet bien connue de plusieurs municipalités. Les villes de Saguenay, Québec, Laval et Beauharnois ont d’ailleurs été pointées du doigt pour cette même raison. Un déversement dans la rivière Yamaska a même causé la mort de milliers de poissons à l’été 2016. Comme on peut le voir dans le Guide de catégorisation des débordements et de validation des formulaires des ouvrages de surverse dans le logiciel SOMAE, il existe plusieurs situations qui mènent une ville à déverser ses égouts directement dans les cours d’eau. Bien souvent, ce sont les systèmes de traitement des eaux usées qui n’arrivent pas à fournir lors de pluie ou de fonte de neige, ou qui doivent être réparés ou agrandis. L’excédent de ce qui peut être traité est alors envoyé directement dans les cours d’eau environnants. En fait, cela est connu et accepté par le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, en autant que les ratios eaux usées/volume du cours d’eau soient respectés…
Comment mettre fin à ces événements ?
Même si on arrivait à réparer et agrandir suffisamment les réseaux existants (en continuant de déverser au besoin durant les travaux…), il faut se rendre à l’évidence; cette solution n’est pas durable. Les coûts d’aménagement et d’entretien de ces réseaux, qui sont appelés à grandir encore avec la croissance de la population, sont astronomiques. De plus, leur efficacité est discutable ; même lorsque les eaux usées sont traitées, elles conservent tout de même plusieurs polluants qui sont envoyés en permanence dans les cours d’eau, comme les hormones.
“À titre d’exemple, l’usine de traitement des eaux de Montréal, à Rivière-des Prairies, n’élimine que de 10 % à 30 % des résidus de médicaments. Quantité de composés, incluant des composés hormonaux, aboutissent donc dans l’eau du Saint-Laurent. Le système endocrinien des poissons peut être perturbé par un nanogramme (un millionième de milligramme) d’hormones dans un litre d’eau, qui diminue leur fertilité ou cause la féminisation des mâles. À la sortie de l’usine d’épuration de Montréal, on compte jusqu’à 126 nanogrammes par litre d’estradiol, une hormone impliquée dans le développement des caractéristiques sexuelles féminines.”
Et les problèmes ne se limitent pas qu’aux poissons; n’oublions pas les municipalités qui tirent leur eau du fleuve pour leur consommation ! Bien qu’elle soit traitée avant la consommation, l’eau qui sort du robinet contient encore des éléments pour le moins étranges.
“En plus des pesticides, les hormones, les retardateurs de flammes et les filtres solaires UV sont des sources importantes de perturbateurs endocriniens qui se retrouvent dans l’eau. L’eau du robinet est-elle sécuritaire ? Au Québec, les produits détectés dans l’eau potable dépassent rarement les normes. Prise individuellement, chaque substance a une concentration jugée acceptable. Cependant, les normes ne tiennent pas compte des effets combinés de toutes les substances. Un verre d’eau devient un cocktail de médicaments, pesticides, PBDE et autres perturbateurs endocriniens. Les effets de cette mixture sur la santé ne sont pas connus : mieux vaut appliquer le principe de précaution.” – Lise Parent, réseau des femmes en environnement
Tout ceci nous ramène à la cause même du problème ; on ch** dans une ressource précieuse, rare et essentielle à la vie ; l’eau ! Même dans les civilisations anciennes, une règle d’or était prise en compte; on ne fait pas ses besoins au même endroit où l’on se nourrit/s’abreuve…
Contrairement au sol, l’eau n’est pas faite pour gérer les éléments qui se retrouvent dans nos « déchets humains », bien au contraire. Les eaux usées dégradent la qualité de l’eau jusqu’à en faire un milieu pauvre en espèces vivantes naturelles, remplacées par des coliformes et des algues envahissantes, entre autres.
C’est bien beau tout ça, mais si on n’envoie plus nos déchets dans l’eau, où peut-on les envoyer ? Dans la terre, où ils devraient être envoyés selon l’ordre naturel des choses !
En fait, j’ai découvert une solution extraordinaire dans le cours Maisons bioclimatiques et chauffage écologique de Solution ERA. Lucie Mainguy, propriétaire d’Aliksir, est venue nous présenter sa vision de la toilette de l’avenir !
Plutôt que de jeter nos « déchets humains » dans l’eau, engendrant ainsi tous les problèmes mentionnés plus haut, on les envoie dans un grand contenant, appelé digesteur, où ils sont compostés de façon naturelle pendant un an, avant de pouvoir être récupérés et utilisés comme compost. À ce moment, vous aurez le choix d’utiliser ce compost pour votre propre jardin ou encore de le vendre à des agriculteurs. Entre temps, la chaleur produite par le compostage (qui peut s’élever à 70°C !) pourra être mise à profit pour chauffer votre eau et même votre maison ! Oui oui ! Pour ce faire, un tuyau de cuivre est placé autour du contenant et l’eau y est dirigée, accumulant ainsi la chaleur en chemin!
En résumé, on libère les municipalités du fardeau du traitement des eaux usées (épargnant ainsi beaucoup d’argent), on cesse de contaminer nos eaux avec nos déjections, on enrichit notre jardin ou notre compte en banque et on économise sur nos frais de chauffage ! Que demander de plus ?
Et je vous rassure ; tout ce système n’émet aucune odeur. C’est la même chose que lorsque vous vous promenez en forêt ; sentez-vous l’odeur des déjections d’animaux ? Non, et pourtant il y en a ! Vous sentez plutôt l’odeur de la terre, des plantes et de l’air pur. Pourquoi ? Parce que ces déjections sont dégradés par le sol afin que les plantes puissent s’en nourrir. Les déchets sont ainsi transformés en ressources et bénéficient à l’environnement ! C’est ce qui arrive quand on redonne le pouvoir à la nature de bien faire les choses !
P.S. Pour plus d’informations concernant ce système durable et écologique, visitez le projet Caca d’or d’Aliksir ou visionnez la vidéo Des toilettes sèches, et pourquoi pas? Pour d’autres solutions d’habitations durables et écologiques, découvrez le Certificat en design de bâtiment écologique de Solution ERA ! Vous pouvez également visionner la vidéo de Fred sur cette problématique, ainsi qu’un TED talk très intéressant sur le sujet !
Bonjour Marie-Michèle,
Bravo pour votre article qui est très clair et bien documenté. Merci d’avance de bien vouloir me contacter.
Bonne journée,
🙂
Sandrine
Pour Terr-O-Nostra, OBNL dans Portneuf dont la mission est la promotion de l’assainissement viable au Québec, notamment par l’usage de toilettes sans eau générateur de compost de qualité pour la conservation des sols et de la biodiversité plutôt que de pollution à ‘traiter’ à grands frais.