Dans sa conférence au Certificat en design de bâtiment écologique de Solution ERA, Luc Muydermans, ingénieur et architecte spécialiste des principes solaires appliqués aux bâtiments écologiques, présente les différents types de masses thermiques et leur application en contexte de conception d’un habitat écologique.
Qu’est-ce que la masse thermique?
Il s’agit de matériaux denses et sombres qui viennent absorber la chaleur présente dans le bâtiment. En périodes plus fraîches, ils la diffusent ensuite peu à peu et de façon homogène sous la forme d’infrarouges sains et confortables dans tout l’habitat. Cette chaleur absorbée par la masse peut provenir du rayonnement solaire qui traverse le vitrage, de l’air ambiant dans le bâtiment ou d’un système de chauffage (foyer de masse, plancher radiant, etc.).
Les propriétés de la masse thermique
Comme le précise Luc, les masses thermiques sont par définition constituées de matériaux lourds et denses qui nécessitent beaucoup d’énergie et un certain laps de temps afin que leur température augmente au moment du réchauffement. Ils fonctionnent de façon opposée aux matériaux isolants, ces derniers étant plutôt légers augmentant rapidement en température lorsqu’ils sont en contact avec une source de chaleur.
La masse thermique a pour fonction de stocker l’énergie en surplus, qu’elle capte à l’intérieur de l’habitation, afin de prévenir sa surchauffe. En effet, la masse dense est en mesure de stocker beaucoup d’énergie, tout en prévenant une hausse inconfortable et élevée de température dans l’environnement où elle se trouve. Par la suite, cette chaleur est diffusée à l’intérieur des espaces de vie, la nuit ou en période couverte, lorsque la température chute, assurant ainsi plus de confort et une meilleur régulation thermique.
Pour que le processus naturel de charge et de décharge de la masse thermique prenne place, il est important de laisser la température fluctuer dans le bâtiment. Plus précisément, on doit s’assurer qu’elle puisse monter jusqu’à 25 degrés Celsius le jour et descendre jusqu’à 18 degrés Celsius la nuit. En effet, si la température intérieure était constante, aucune énergie ne pourrait entrer ou sortir de la masse thermique.
Lorsque celle-ci est directement exposée au rayonnement solaire, peu importe la température, elle se réchauffe grâce au contact direct avec ce dernier. Ainsi, la fenestration contribue au chauffage de l’habitat par le biais du stockage énergétique de la masse thermique, qui en plus de ne générer aucune surchauffe, diffuse la chaleur en période fraîche pour le confort des occupants.
Du point de vue de la conception du bâtiment et de son orientation, si le rayonnement direct du soleil sur la masse thermique est idéal, il n’est toutefois pas obligatoire. Celle-ci demeure efficace par simple contact avec la chaleur se trouvant dans l’air de l’habitation.
Masse thermique et optimisation de la surface
Luc souligne l’importance que la surface d’une masse thermique soit le plus étendue possible afin qu’elle puisse capter au maximum le rayonnement solaire et l’énergie environnante sur un temps relativement court. Comme l’énergie ne peut entrer que par la surface de la masse, celle-ci offre son maximum d’efficacité lorsqu’elle est plus étendue. C’est par exemple le cas pour une chape ou dalle de béton, plutôt que sur une surface plus réduite comme celle d’un foyer de masse.
Un mètre cube de masse emmagasine plus rapidement de l’énergie s’il est distribué sur une surface plus vaste que s’il est réduit à une surface de contact moins étendue et plus profonde. Une dalle de plancher de quatre pouces de béton, par exemple, est amplement suffisante pour capter la chaleur nécessaire dans une période de temps optimale, à savoir les quelques heures d’ensoleillement quotidien.
Les différents types de masses thermiques
1. Le béton : dalle, chape et éléments décoratifs
Une dalle de béton sur le plancher de l’habitat constitue une excellente masse thermique. Elle offre non seulement une large surface de contact, mais elle constitue également un plancher très résistant. Son épaisseur peut varier de 1,5 pouces à 5 pouces d’épaisseur, tout dépendant si elle sert de solage pour un sous-sol, de plancher au rez-de-chaussée ou aux étages ou qu’elle accueille un système de plancher radiant.
Pour un fini plus intéressant sur le plan esthétique, il est possible de colorer le béton dans la masse afin de lui donner la teinte désirée. Pour cela, il s’agit simplement d’intégrer un pigment de couleur dans la bétonnière afin qu’il soit mélangé de façon homogène au béton, qui sera par la suite coulé pour former une dalle. Cette stratégie permet d’éviter toute usure de la couleur sur des zones de passage fréquent. Le béton est ensuite poli afin de servir directement de plancher sans nécessairement avoir à ajouter d’autre revêtement.
Autre option intéressante : la pose d’un revêtement de tuiles de céramique sur la dalle de béton. Elle offre une qualité décorative et esthétique sans ôter à la dalle sa fonction de masse thermique. La céramique est également un matériau dense possédant les mêmes propriétés, en plus d’assurer le transfert de l’apport énergétique capté au béton qu’elle recouvre.
En revanche, la pose d’un plancher de bois sur une dalle de béton ou, pire encore, d’un tapis, annule en partie ou intégralement la capacité de cette dernière à servir de masse thermique. La chaleur est coupée par ces matériaux plus légers et isolants, qui empêchent son transfert direct à la masse thermique qu’ils recouvrent.
En raison de l’étendue de leur surface, la dalle ou la chape de béton constituent les formes les plus efficaces de présence de masse thermique dans un habitat. Il peut tout de même être intéressant d’amplifier cet apport par l’intégration d’éléments de taille plus réduite comme des bacs de plantes en béton ou tout autre élément décoratif résultant d’une conception inventive.
Comme le souligne toujours Luc dans ses présentations, l’imagination doit être au pouvoir de la conception. Elle vous permet d’être créatifs afin de générer dans votre futur habitat une plus grande présence de masse thermique et ainsi une meilleure régulation thermique.
2. La pierre naturelle
Pour créer un revêtement recouvrant la dalle de béton, l’ardoise, tout comme la céramique, permet d’obtenir un résultat à la fois efficace sur le plan énergétique, en plus d’être visuellement intéressant. La pierre naturelle ou taillée peut également être intégrée aux murs intérieurs de l’habitat afin de créer un effet très esthétique qui, de plus, génère une présence importante et intéressante de masse thermique.
Un foyer de masse constitué d’un revêtement en pierre est également une structure extrêmement efficace pour stocker et diffuser la chaleur de l’air ambiant et du rayonnement solaire. C’est sans compter la chaleur diffusées par le très foyer lui-même.
3. Briques, terre crue, structure en pisé et céramique
La brique traditionnelle
Tout comme la pierre, la brique traditionnelle offre une belle polyvalence quant à son usage sous diverses formes pour générer la présence d’une masse thermique efficace dans un bâtiment : mur, revêtement de foyer de masse, bacs à plantes, etc., en plus d’offrir un fini visuel chaleureux et très esthétique.
Il est important de noter que pour qu’une masse thermique capte au mieux les rayons solaires dans le bâtiment, il est important que celle-ci soit de teinte relativement sombre. Il faut éviter de peindre la brique d’une couleur pâle ou en blanc, afin que la masse ne reflète pas le rayonnement solaire et maximise sa captation énergétique optimale.
Les briques de terre crue ou les murs en pisé
Frédéric Wiper, cofondateur de Solution ERA et formateur chevronné au Certificat, présente, entre autres, le matériau de terre cru et sa grande versatilité. Ginette Dupuy, grande spécialiste de ce matériau, offre également au Certificat une formation sur l’usage de la brique de terre crue, en plus de présenter l’habitat sain et naturel qu’elle a conçu à partir de ce matériau, utilisé pour la construction depuis l’antiquité.
Comme le souligne Frédéric, tout comme le béton de chanvre, la terre crue peut être utilisée pour la construction d’un mur en pisé, conçu par le biais d’un coffrage. La terre crue peut également être utilisée pour former des briques qui peuvent être produites sur le chantier par compression et séchage ou achetées chez un fournisseur.
À l’académie « Earthship Biotecture », fondée par Michael Reynolds, se donne, entre autres, la formation pour la construction de bâtiments de type « Earthship ». On peut y observer des modèles de conception qui intègrent des murs avec un revêtement de « cob », qui peut être utilisé aux mêmes fins que le plâtre.
En effet, si ce dernier permet de modeler des moulures, des reliefs, des formes décoratives ou arrondies, le « cob » est également assez plastique pour créer des effets très esthétiques, tout en constituant un matériau sain, naturel et assez dense pour servir de masse thermique. S’il permet de générer des formes courbes, il est également possible de le lisser afin d’obtenir des surfaces et des murs parfaitement droits.
Le « cob » est formé d’argile, de sable, d’eau, de paille… et d’huile de coude! Les termes : « cob », terre crue, torchis et « adobe » sont tous synonymes. Ils servent à nommer ce matériau dont la texture se situe entre celle du plâtre, plus friable, et celle du béton qui est toutefois plus solide.
Le plancher de terre crue
Même si la terre crue est un peu moins résistante aux impacts que ne l’est le béton, celle-ci peut aisément le remplacer pour la création d’un plancher, dans la mesure où on évite d’y circuler en continu avec des talons hauts!
La terre crue est très résistante, même à l’eau, à moins d’être immergée dans celle-ci en continu pour une période de 24 à 48 heures (l’argile tend à se délayer pour produire une vase). Il est toutefois à noter qu’aucun plancher de bois ne résisterait adéquatement à une même période d’immersion sans dégât à sa structure.
Si ce type de matériau n’est pas conseillé comme revêtement de sol pour une serre, qui peut s’avérer très souvent humide, il convient tout à fait aux autres zones de l’habitat. Généralement, un plancher de terre crue est recouvert d’une huile naturelle afin de sceller sa surface et lui éviter d’être trop poreux.
4. L’eau
L’eau constitue de loin la masse thermique la plus efficace. Cependant, l’usage de bassins ouverts ou de piscines dans un bâtiment n’est pas vraiment recommandé. Toutefois, des réservoirs d’eau fermés, placés sous le plancher du bâtiment et qui sont indépendants du volume d’air, permettent de se charger du surplus de chaleur généré dans le bâtiment afin de la rediffuser en période fraîche. Autrement, il est possible de faire usage de plus petits réservoirs fermés, telles des bouteilles d’eau, pouvant servir aux mêmes fins.
L’eau fait partie des matériaux dits « à changement de phase », puisqu’elle peut passer de l’état liquide à l’état gazeux (vapeur) ou à l’état solide (glace). Mais qu’est-ce qu’un matériau à changement de phase?
5. Les matériaux à changements de phases
Il s’agit de matériaux spéciaux qui passent d’un état à un autre (solide à liquide) à partir d’une certaine température, tout en demeurant à une température constante, tant que toute la masse du matériau n’a pas entièrement changé d’état (solide ou liquide). Ce phénomène physique permet au matériau d’accumuler beaucoup d’énergie à température constante, sans augmenter la température de l’environnement ou de la pièce dans laquelle il se trouve.
Une fois l’ensemble de la masse liquéfiée, le matériau augmente alors en température. Inversement, lorsque le matériau se transforme d’un état liquide à un état solide, il le fera à température constante en dégageant énormément d’énergie.
Dans le cas de l’eau, celle-ci se transforme en glace à zéro degré Celsius. Tant que toute la masse d’eau transformée en glace n’a pas entièrement fondue, sa température demeure stable. Pour que la glace devienne liquide, celle-ci doit être chauffée par le biais d’un stockage énergétique important et la température de l’eau demeure à ce seuil de température stable jusqu’à la fonte totale de la masse de glace où sa température augmentera alors. Inversement, lorsque l’eau gèle et devient glace, elle dégage beaucoup de chaleur et d’énergie.
Luc a effectué un test dans lequel il a transformé cent litres d’eau en cent litres de glace. Il a pu mesurer que lors de ce changement de phase, la masse d’eau a généré un dégagement énergétique de neuf kilowatts/heure, à savoir l’équivalent d’une plinthe électrique de quatre pieds de large allumée pendant neuf heures! D’un autre côté, Luc souligne que cela prend autant d’énergie pour liquéfier un kilo de glace que pour chauffer l’eau de zéro à 80 degrés Celsius!
Les matériaux à changement de phases sont extraordinaires sur le plan de leur efficacité de stockage et de diffusion énergétique. Toutefois, aucun de ceux-ci ne peut être utilisé comme masse thermique dans l’habitat à température confortable pour les occupants. Pour cette raison, certaines entreprises œuvrent à mettre au point des matériaux à changements de phase qui offrent plus de confort.
Par exemple, le « Micronal », constitué d’un mélange de cire, est un matériau créé par un fabricant ontarien qui produit des panneaux appelés « ThermalCore ». Le matériau à changement de phase que constitue le « Micronal » est inséré sous forme de gélules entre des plaques de gypse.
Si le design vous passionne, et que vous désirez en apprendre davantage sur des stratégies judicieuses pour investir à long terme dans des matériaux, des techniques et des systèmes efficaces, futés, performants et respectueux de l’environnement, suivez le lien au Certificat en design de bâtiment écologique!
Mais dans ce cas, inutile d’isoler un bâtiment ancien à mur très épais ? Dans le cas contraire, que recommandez-vous ? Une isolation par l’intérieur sera-t-elle efficace ? Ou bien sera-t-elle un frein énergétique ?
Bonjour! Dossier délicat! Une masse thermique importante dans une vieille maison, généralement exposée des dexu côtés, est très sensible à tout changement d’humidité. Si on isole de d’intérieur, la structure risque de geler en profondeur, et si l’isolation n’est qu’à l’extérieur, l’humidité risque de la pénétrer. Dans les 2 cas, il est possible que la structure en souffre et subisse des dommages. La meilleure solution est de ne pas ajouter d’isolation, mais plutôt d’améliorer l’étanchéité de la structure existante grâce à un pare-air ou un pare-intempéries à l’extérieur. Il faut toujours consulter un spécialiste dans ces cas-là, qui varient d’une maison à l’autre.
Bonjour pour masse thermique 2 panneaux de gypse 1/2 pouces est-ce bon?
Panneaux de béton durorock est-ce bon pour masse thermique ?
Dans les 2 cas je rajouterai un genre de crépi sur les surfaces
Autres choix morceaux de tuile de béton de 1/2 pouces sur murs de bois ? Est-ce meilleur rendement ?
Merci
Bonjour! Doubler le gypse est un moyen économique d’augmenter la masse thermique, mais sans grande amélioration de la performance. Si le durorock a, dans sa composition, des microbilles de styromousse (souvent ajouté pour rendre les panneaux plus légers), ce ne sera pas beaucoup plus performant que le gypse. Les tuiles de béton peuvent offrir une meilleure performance que le gypse, à épaisseur égale. Le crépi contribue également à l’absorption de chaleur, sans toutefois faire une grande différence également.
Bonjour,
Vous dîtes pour l’utilisation de l’eau comme masse thermique que «l’usage de bassins ouverts ou de piscines dans un bâtiment n’est pas vraiment recommandé.»
Je me demandais si cela concerne aussi une serre placée à l’avant de la maison et hermétiquement isolée de celle-ci, et si oui, pourquoi ?
Merci.
Si la serre est complètement isolée de la maison (c’est-à-dire qu’elle ne partage pas de cloison avec celle-ci) et que les parois de la serre sont construites avec des matériaux ne craignant pas l’humidité, alors pas de problème. Les bassins ou piscines dégagent BEAUCOUP d’humidité, et les implanter dans une serre adjacente, même avec une ventilation adéquate, compose trop de risques pour la cloison qui la sépare de la maison.