Dans le cadre du Certificat en Design de Bâtiment Écologique de Solution ERA, des spécialistes de la construction en matériaux sains et naturels tels le chanvre, la brique de terre crue et la paille nous partagent leur expertise. Ils nous présentent, entre autres, les nombreux avantages de ces matériaux ainsi que les techniques qui leur sont propres dans l’autoconstruction de maisons en paille ou autres matériaux sains.
Isolation en paille de l'habitat

Conseils d’experts pour la construction d’un maison avec une isolation en paille

Kate Alvo, formée en design et construction de bâtiments durables et également en permaculture, a œuvré dans la rénovation écologique à Montréal, en plus d’avoir conçu et construit une maison solaire passive avec une isolation en paille compressée.
Depuis 2014, Kate offre régulièrement des ateliers-visite de sa maison. Elle y promeut l’importance de bien maîtriser la science du bâtiment ainsi que les détails de construction pour assurer la durabilité des projets d’habitats mis en œuvre. Elle partage également son expertise unique pour la construction en paille porteuse dans la conférence qu’elle offre dans le cadre du Certificat.

Production de paille comme isolant thermique = faible taux d’énergie grise

Comme le souligne Kate, les avantages qu’offre ce remarquable matériau sain et naturel sont nombreux. Tout d’abord, celui-ci est particulièrement écologique étant donné qu’il demande très peu d’énergie grise pour sa production, qui découle naturellement de l’agriculture.
Kate souligne qu’il est fondamental de ne pas confondre le foin et la paille. Le foin est la partie de la tige céréalière riche en nutriments qui est consommée par les ruminants. Ce n’est pas le cas de la paille, qui sert plutôt de matériau isolant et chaud dans lequel les animaux se blottissent.
La paille constitue la section restante, le rebut, si l’on veut, des brins de céréales que font pousser les agriculteurs. Pour faire une analogie, cette section de la tige correspond, en quelque sorte, au tronc de l’arbre où se trouve la matière cellulosique qui lui offre sa solidité.
De son côté, le foin est un herbage qui tend à se décomposer aisément dans des circonstances moyennement humides, ce qui n’est évidemment pas une caractéristique souhaitée pour un matériau de construction!

Accessibilité de la paille

La paille, disponible à très faible coût, est également un matériau aisé à obtenir dans le cadre d’un projet de construction en région rurale. Kate n’est pas une militante de « la paille à tout prix ». Elle insiste sur le fait que dans une approche écologique, il s’agit avant tout de trouver les matériaux les plus locaux, naturels et abondants possibles dans la région où vous souhaitez construire.
Par exemple, la paille peut être une option très viable sur le plan écologique dans une région comme la nôtre ou dans les provinces où l’on retrouve beaucoup d’agriculture. En revanche, dans une zone montagneuse telle la Colombie-Britannique, cela perdrait tout son sens. Il s’agit, comme dans toute approche en permaculture, de se plier aux réalités de son environnement afin de s’y harmoniser le mieux possible.
Isolation en paille selon la région et la disponibilité de la ressource

Un matériau qui perspire

En plus d’offrir une grande qualité d’air et une température confortable dans le bâtiment en toutes saisons, un des grands avantages de l’isolation en paille est qu’il s’agit également d’un matériau qui perspire, tout comme ceux qui composent le revêtement extérieur des murs en crépi. Mais qu’est-ce que la perspiration, qu’il ne faut pas confondre avec la respiration? Pour le comprendre, il est nécessaire d’aborder le phénomène de condensation.
Dans notre climat hivernal, lorsqu’il fait froid, l’air est beaucoup moins saturé d’humidité, alors qu’à l’intérieur de l’habitat, celui-ci est beaucoup plus chaud et humide à cause de la respiration des occupants, de la cuisine, des douches, etc. Étant donné que la nature vise toujours à se rééquilibrer, ce surplus d’humidité migre naturellement vers l’extérieur de l’habitat en passant par les murs. Que se passe-t-il alors?
Ce qu’on appelle le taux d’humidité relative d’une particule d’air tend à se modifier avec la température. Par exemple, à 20 degrés Celsius, cette particule est saturée à 50% d’humidité. Lorsque la température baisse de moitié, la molécule d’air rétrécit et le taux d’humidité qui s’y trouvait à 50% se met alors à la saturer à 100%.
Lorsque la molécule d’air parvient à ce taux de saturation d’humidité maximum, elle atteint ce qu’on appelle le point de rosée ou le point de condensation. Avec le froid, la vapeur d’eau dans l’air se transforme alors de vapeur en eau à l’intérieur des murs de l’habitat, ce qui génère de la moisissure.
Dans un habitat standard, on utilise un pare-vapeur sur la façade intérieure du mur pour empêcher la vapeur d’eau de circuler dans les murs et y créer de la condensation. C’est ainsi car les matériaux d’isolation fabriqués par l’homme n’ont pas la capacité de gérer l’humidité comme le font plusieurs matériaux naturels (paille, chanvre, terre crue, etc.). Ces derniers, qui tendent à perspirer, permettent cette gestion naturelle.
Imaginez un brin de paille sur le plan microscopique. Celui-ci est constitué d’une grande quantité de minuscules pores formant des surfaces sur lesquelles la vapeur d’eau dans l’air vient s’accumuler. C’est ce qu’on appelle le phénomène d’adsorption, qu’il ne faut pas confondre avec le phénomène connexe d’absorption.
Encore une fois, comme la nature tend à rééquilibrer les extrêmes, cette vapeur d’eau sera amenée par les pores vers l’extérieur de l’habitat, grâce à la capacité hygroscopique du brin de paille. Un matériau hygroscopique tend à adsorber l’humidité de l’air, par adsorption ou par absorption.
Ainsi, le brin de paille, de par sa grande capacité hygroscopique, permet à l’humidité de l’air de circuler par ses pores en continu, de l’intérieur vers l’extérieur du bâtiment, sans jamais que ceux-ci ne se saturent. Voilà en quoi consiste un matériau qui perspire.
Isolation en paille pour sa qualité de perspiration
Cette qualité est surtout viable dans les climats comme le nôtre, caractérisés par de longues périodes de sécheresse de l’air (que ce soit durant l’hiver glacial ou lors des canicules estivales). Ceci n’est pas le cas dans un climat très pluvieux et humide.
Par exemple, en Colombie-Britannique, où le niveau d’humidité dans l’air est souvent très élevé, la capacité hygroscopique de l’isolation en paille ne suffirait pas à générer suffisamment de perspiration pour éviter la condensation dans les murs. Pour la même raison, les ballots de paille ne sont pas utilisés dans des bâtiments générant trop d’humidité, comme les serres par exemple.

La résistance thermique des ballots de paille

La valeur de résistance thermique d’un matériau, qui se traduit par la valeur « R », permet de traduire la capacité de celui-ci à retenir la chaleur plutôt que de la transférer à l’extérieur. Dans une optique d’isolation du bâtiment, plus la valeur « R » d’un matériau est élevée, plus il est considéré efficace. La paille en tant qu’isolant thermique offre une valeur de résistance thermique de R35 au ballot (et non au pouce).
Le ballot de paille est constitué de tiges de paille pliées en deux. Celui-ci peut être posé à plat, créant une surface plus large et moins haute avec une valeur de résistance thermique moins élevée en raison de l’orientation des tiges. Sinon, il peut aussi être déposé sur le côté, créant une surface moins large et plus haute, qui offrira une valeur de résistance thermique plus élevée due à l’orientation des brins de paille.
En fin de compte, la disposition des ballots à plat ou de côté ne fait pas de différence significative puisqu’au total, on parvient au même résultat final sur le plan de la résistance thermique. Sur le plan de l’ergonomie du chantier, toutefois, Kate souligne qu’il est plus aisé de bâtir avec des ballots de paille posés à plat.

Un ballot de paille ne brûle pas!

Comme il a été souligné dans le blogue « Matériaux isolants naturels et recyclés », le ballot de paille est ignifuge (ne brûle pas), puisque la densité de sa structure (compressions des tiges) ne laisse pas passer assez d’air pour générer une combustion. Ceci permet de démanteler toute fausse croyance quant aux risques d’incendie plus élevés dus à l’usage d’un tel matériau pour les murs des bâtiments.

Un matériau recyclable et renouvelable

Un autre élément intéressant de ce matériau est qu’en fin de vie, il est recyclable par le biais du compostage. De plus, contrairement au bois, qui pousse sur plusieurs années, la paille est rapidement renouvelable puisqu’ici, au sud du Québec et de l’Ontario, elle peut être récoltée jusqu’à deux fois en une seule saison agricole.

Comment est bâti un mur en ballots de paille?

Un habitat en murs de paille peut être bâti sur une fondation constituée d’une dalle de béton ou sur pilotis de bois.
Dans les deux cas, entre les ballots de paille et la fondation, seront déposés à l’horizontale des petits morceaux de bois (2 x 4 pouces) formant ce qu’on appelle une « lisse » et entre lesquels est installée une couche d’isolant. Ceci permet de s’assurer que le premier ballot de paille du mur ne repose pas directement sur le sol, permettant ainsi d’éviter tout risque de pourriture de la paille en cas de dégât d’eau au sol.
Par la suite, les ballots de paille sont montés à plat en quinconce pour former le mur, comme on le ferait avec des briques. La partie supérieure du mur est achevée par l’installation d’une lisse appelée « sablière », qui permet de bien stabiliser la structure et d’assurer le nivellement de tous les murs, soit afin de bâtir un plancher pour constituer un deuxième étage, soit pour installer la toiture.
Le revêtement final du mur en paille est constitué d’une épaisseur d’un pouce de crépi très solide sur les deux façades du mur.
Un autre grand avantage de la paille est que son extrême solidité permet de construire un habitat sans structure ou squelette de bois. Comment cela se fait-il?

La grande stabilité structurale d’un mur en paille

Dans divers pays, plusieurs tests ont été effectués en laboratoires afin de calculer la force structurale de ce type de construction. Ceux-ci ont permis de prouver la grande efficacité structurale et résilience des bâtiments en ballots de paille face aux forces de compression, de contreventement et de cisaillement.

1. La force de compression

C’est la résilience à la force de compression qui donne toute sa stabilité à un mur de paille. Ceci est dû aux revêtements interne et externe du mur, constitués de crépi très robuste une fois sec, qui encadrent le mur plein en ballots de paille. Cette solide structure produit l’équivalent structurel des panneaux d’isolation en polystyrène encadrés par deux plaques pleines de contreplaqué.
La forte solidité des murs en ballots de paille, qui dépasse même les normes de la construction pour une maison en bois, permet de bâtir des habitats à deux ou même trois étages (plus commun en France).
Isolation en paille pour maison à étages

2. Le contreventement

Imaginez que vous désirez construire une bibliothèque et que vous commencez par bâtir le cadre de bois de ce meuble sans poser de tablettes horizontales. Vous remarquerez que si vous portez une pression à un des coins de ce cadre, celui-ci tendra à se déformer pour former un parallélogramme ou un losange. Le même principe s’applique au mur d’un habitat.
Les murs en ballots de paille sont résilients à cette force de contreventement. Cette dernière prend place dans les habitats standards et pour lesquels on doit installer des planches de bois en forme de « X » pour éviter que le cadre du mur se déforme avec la force du vent. C’est la présence des ballots de paille placés en quinconce pour former une structure extrêmement solide, pleine et monolithique qui, dans ce cas, sert naturellement de contreventement.

3. Résistance au cisaillement

Dans un mur standard, une pression plus élevée sur un coin supérieur du mur tend à le faire pencher d’un côté. Ce mouvement sera contré dans l’autre direction par le côté opposé du mur, créant ainsi une déformation dans celui-ci due à cette force dite de cisaillement. Selon le même principe que pour la force de contreventement, le mur plein et monolithique constitué de ballots de paille permet d’éviter cette déformation.
Pour en savoir davantage sur la conception en ballots de paille, suivez le lien au site du GREB! Si le design vous passionne et que vous désirez en apprendre davantage sur des stratégies judicieuses pour investir à long terme dans des matériaux, des techniques et des systèmes efficaces, futés, performants et respectueux de l’environnement, suivez le lien au Certificat en Design de Bâtiment Écologique!