Comme le souligne Benoît Lavigueur, éco-entrepreneur et formateur chevronné pour le Certificat en Design de Bâtiment Écologique de Solution ERA, s’assurer de l’étanchéité de son bâtiment est une étape fondamentale.
C’est aussi l’étape la plus oubliée, incomprise et la moins bien réalisée. Pourquoi est-elle si souvent omise? Comme le souligne Benoît d’une boutade lors de sa présentation : « l’étanchéité, n’est pas un sujet sexy! » En effet, il s’agit d’un investissement invisible à l’œil nu, duquel il est difficile de se vanter, mais qui est pourtant essentiel!
maison en construction
Lors de ses formations, Benoît reçoit beaucoup plus de questions sur les coupes de murs et l’isolation, que sur l’étanchéité, qui est selon lui, nettement plus importante. L’étanchéité permet :

  • d’éviter que l’humidité ne pénètre et n’endommage la structure du bâtiment (murs)
  • d’assurer le confort de vie et la santé respiratoire des occupants
  • de faire sa part pour l’environnement en diminuant sa facture de chauffage et en réduisant les rénovations (et leur énergie grise) dues à des pourritures et moisissures potentielles générées par l’humidité dans le bâtiment

 

Étanchéité : calfeutrer les jonctions et éviter la condensation d’eau

Bon nombre d’entrepreneurs vous diront que la section des murs se trouvant sous les fenêtres des habitats qu’ils rénovent ou déconstruisent, est quasi immanquablement dans un état de pourriture avancé, ou témoigne de la présence importante de moisissures.
Si s’assurer de l’étanchéité des murs de votre habitat est fondamental, il est aussi important de s’assurer de celle des joints (fenêtres) et des sorties d’air (sortie de sèche-linge, hotte de cuisinière, de cheminée, etc.).
Pourquoi une condensation d’eau se forme-t-elle dans les murs de votre habitat? Frédéric Wiper, cofondateur de Solution ERA, nous l’explique bien. Quelques notions scientifiques de base pour comprendre le phénomène.
Il faut savoir que plus l’air est froid, moins il prend d’espace (en se contractant). S’il y a de l’humidité dans l’air de votre habitat, lorsque cet air entrera en contact avec la température extérieure glacée, celui-ci diminuera nettement en volume, mais non la quantité d’humidité.
À un certain degré de température, il se produit ce qui est communément appelé « le point de rosée ». Qu’arrive-t-il alors à l’humidité qui se trouvait dans cet air? Elle se condense en gouttelettes d’eau qui se dispersent allègrement dans vos murs pour créer moisissures et pourriture!
Non seulement ceci à des effets sur l’intégrité de la structure de votre bâtiment, sur vos finances, votre temps et votre énergie (rénovations constantes et coûteuses), mais aussi sur votre santé (présence nocive de moisissures).
Prenons un exemple concret. Imaginons un volume d’air à l’intérieur de votre habitat qui se trouve à une température de 20 degrés Celsius. Ce volume d’air contient de l’humidité qui est générée par les occupants du bâtiment (respiration, sudation, douche, ébullition de l’eau, etc.). À 20 degrés Celsius, comme l’air est relativement chaud, il peut prendre de l’espace, ce qui veut dire que l’humidité qu’il contient constitue environ 50 % de son volume.

Puis, ce volume d’air circule partout dans l’habitat et à l’intérieur des murs de ce dernier. Durant un hiver québécois, la température extérieure de -20 degrés Celsius refroidit l’intérieur des murs, qui ne sont plus à 20 degrés Celsius (comme à l‘intérieur), mais plutôt entre 0 et -10, ou même à -20 degrés Celsius.
Si on réitère que plus l’air est froid, moins il prend d’espace (ce qui n’est pas le cas de l’humidité qui s’y trouve), en se refroidissant dans les murs, l’air se contracte. Si à 20 degrés Celsius, l’humidité occupait 50 % de son volume, à 0 degré celle-ci remplira environ 80 % de son volume, puis à -20 degrés Celsius cette eau s’emparera de plus de 100 % de ce volume d’air!
Que se passe-t-il lorsque le pourcentage d’humidité dépasse ainsi le volume d’air qu’il occupe? À ce « point de rosée », il se condense alors en gouttelettes d’eau qui coulent à l’intérieur de vos murs. Ce phénomène dépend de plusieurs facteurs tels : la température, le niveau d’humidité dans l’air et la pression atmosphérique.
Au cours d’un hiver, cela peut se produire très fréquemment dans les murs de votre habitat! Comment y remédier? Il faut savoir qu’il existe deux écoles de pensée sur ce point : les adeptes du pare-air et du pare-vapeur (à différents degrés d’étanchéité), et la perspiration naturelle de certains matériaux d’isolation naturels et plus sains.
 

Le pare-air et le pare-vapeur

Pour les mordus des habitats ultra performantes (entre autres les PassivHaus), créer une enveloppe la plus étanche possible avec des matériaux pétrochimiques, est un sacrifice dont ils compensent l’empreinte écologique en énergie grise par une baisse drastique de la consommation énergétique du bâtiment qui est souvent l’une des plus polluantes, en plus d’économiser en factures de chauffage.
Quelle est donc la solution proposée par les adeptes de cette vision? La pose d’un pare-air et d’un pare-vapeur.
Pour éviter carrément que l’humidité dans l’air de l’habitat ne pénètre le mur du bâtiment, il est possible d’installer, sous le revêtement de la façade intérieure du mur, un pare-vapeur (une membrane de plastique / polythène). Ainsi, l’air de l’intérieur de la maison et l’humidité qu’il contient ne pourront s’en échapper par les murs, car le pare-vapeur rend le bâtiment étanche.
Il va sans dire que dans une telle approche, un échangeur d’air est absolument incontournable afin d’obtenir une circulation viable d’air renouvelé et contrôlé provenant de l’extérieur. C’est toutefois un investissement financier en soi.
En complément à ce pare-vapeur (intérieur), sous le revêtement de la façade extérieure du mur de l’habitat, peut être installé un pare-air. Celui-ci, comme son nom l’indique, s’assure de ne pas laisser passer l’air de l’extérieur vers l’intérieur de l’habitat.
Toutefois, il n’est pas un pare-vapeur, ce qui veut dire qu’il peut laisser circuler l’humidité dans le mur. C’est une façon pour le bâtiment de perspirer. Qu’est-ce que la perspiration?
Imaginez votre habitat comme un corps humain. Votre nez vous permet de respirer de l’air. Si vous vous bouchez le nez, vous ne respirerez plus et mourrez. Votre peau, elle, si elle ne « respire » pas comme le fait votre nez, elle « perspire », en absorbant par le biais d’échanges gazeux à très petite échelle, une quantité d’air nécessaire à la survie et qu’elle fait circuler dans votre organisme.
Ainsi, le pare-air permet à votre habitat de « perspirer », dans le sens où il ne laisse pas l’air passer, mais permet tout de même des échanges gazeux et la sortie de l’humidité potentielle qui aurait pu pénétrer ou être générée dans votre mur.
Il faut comprendre que même le pare-vapeur le plus efficace du monde laissera toujours s’infiltrer une part infime d’air et donc d’humidité dans les murs du bâtiment. C’est inévitable, car rien n’est parfait en ce monde! Si les deux façades du votre mur étaient couvertes d’un pare-vapeur, une éventuelle condensation d’air pourrait être générée et serait alors emprisonnée entre les deux membranes étanches.
Aucun échange gazeux, ou perspiration, ne permettrait de se débarrasser de cette humidité. Ceci créerait un sac de plastique suffocant et imbibé de moisissures pour les occupants! Ces petites « failles » dans le pare-vapeur peuvent parfois entraîner la présence de 30 litres d’eau dans vos murs sur une base annuelle! Pour éviter cela à tout prix, la présence du pare-air permettant la perspiration, est essentielle.
Suite à l’observation de ces failles ponctuelles et inévitables dans le pare-vapeur, certains préfèrent opter pour une variante un peu moins étanche, qui perspire légèrement. Cette fonction permet à l’humidité d’être expulsée de l’intérieur du bâtiment vers les murs, sur une série plus régulière d’infimes petits points d’expulsion, plutôt que de se condenser à un seul endroit précis (faille éventuelle), engendrant plus de dégâts à un seul endroit du mur.
Expulsée ainsi graduellement sous forme gazeuse, de façon contrôlée (par le biais du pare-vapeur travaillant en complémentarité avec le pare-air), l’humidité peut quitter le mur vers l’extérieur du bâtiment sans s’y accumuler et s’y condenser.
 

Les matériaux naturels et perspirants

La deuxième école de pensée sur cette thématique de l’étanchéité du bâtiment, promeut l’usage de matériaux plus naturels et plus sains, non seulement pour la santé et la qualité de vie des occupants, mais aussi pour réduire son empreinte carbone en faisant usage de matériaux à plus faible énergie grise.
Le raisonnement est le suivant :

  • Si le pare-vapeur et le pare-air nous ont démontré que l’infiltration d’air et d’humidité dans ces membranes, aussi minuscule soit-elle, était inévitable…
  • Si le phénomène de perspiration consiste en un phénomène fondamental, naturel, sain et efficace pour s’assurer l’évacuation d’air et d’humidité sous une forme gazeuse entre l’intérieur et l’extérieur de l’habitat…

…pourquoi ne pas utiliser simplement des matériaux sains qui possèdent naturellement, dans leur structure, cette capacité à perspirer, plutôt que de faire usage de membranes pétrochimiques qu’on amène à perspirer?
Quels sont alors ces matériaux sains qui perspirent naturellement?
Comme il est présenté plus en détail dans les articles « L’art derrière le chanvre » et « La maison saine et naturelle », le béton de chanvre et finition en chaux, les ballots de paille et la brique de terre crue sont des matériaux d’isolation du bâtiment permettant, du même coup, la perspiration de celui-ci afin d’assurer l’élimination naturelle de l’humidité potentielle dans les murs, sans toutefois laisser passer l’air.

Les présentations très détaillées de Ginette Dupuy (brique de terre crue), Anthony Néron (béton et blocs de chanvre) et Kate Alvo (ballots de paille) dans le cadre du Certificat en Design de Bâtiment Écologique de Solution ERA permettent de découvrir les potentiels importants de ces matériaux.
S’ils offrent une valeur d’isolation un peu moindre que certains matériaux pétrochimiques, et un certain coût accru de main d’œuvre pour leur mise en œuvre, les matériaux naturels sont néanmoins sains et ignifuges (très résistants au feu), ils permettent une grande sécurité, une excellente résilience à l’humidité, aux moisissures et aux rongeurs, en plus de créer une qualité d’air saine et naturelle dans l’habitat.
 

À vous de vous faire votre opinion en la matière!

Aujourd’hui, le débat persiste entre ces deux approches. Le rôle des formateurs de Solution ERA ne consiste pas à persuader les futurs constructeurs de maisons écologiques de suivre une école de pensée plutôt qu’une autre, ou de promouvoir un type de matériau, puisqu’ils sont tout comme Solution ERA une source indépendante d’information.
Ce qu’ils visent, c’est d’offrir aux étudiants et à un maximum d’individus la chance de s’informer sur la réalité du marché et les options concrètes de l’univers de la construction écologique, afin de permettre à chacun de se bâtir sa propre opinion et créer un projet de construction ou de rénovation qui suit ses désirs, ses besoins, ses ressources et ses valeurs!
Pour en savoir plus sur l’étanchéité et l’isolation, suivez ce lien!