Benoît Lavigueur, entrepreneur en construction de maisons écologiques, offre un regard lucide sur la réalité du marché actuel, et les astuces incontournables pour financer votre projet de construction écologique.

La réalité du marché pour obtenir un financement

Avec son entreprise Belvedair, Benoît Lavigueur a construit plus d’une centaine de maisons écologiques depuis dix ans. Il connaît les réalités du marché et sa riche expérience d’entrepreneur et de formateur, partagée dans sa présentation au Certificat en Design de Bâtiment Écologique de Solution ERA, permet de se préparer stratégiquement pour l’obtention d’un financement afin de réaliser un projet de construction écologique.
banque cochon
Depuis la crise financière de 2008, l’obtention de prêts pour la construction d’habitats écologiques est devenue plus difficile, car bâtir une maison de qualité, efficace et écoabordable, coûte un plus cher sur le moment – même s‘il s’agit d’un investissement futé –, alors qu’aux yeux de la banque prêteuse, celle-ci n’a pas de valeur augmentée reconnue. Du moins, pas encore.
Toutefois, Benoît précise que les choses avancent peu à peu afin de changer les mentalités dans les institutions financières. En effet, une étudiante du Certificat, qui est aussi évaluatrice agréée, a saisi l’importance de changer les façons de faire dans ce domaine. Dans sa profession elle prend compte, à présent, de la plus-value d’une maison écologique. C’est une excellente nouvelle qui offre de l’espoir pour l’avenir!    
De plus, pour relever le défi qui est toutefois surmontable, dans la mesure où on s’organise stratégiquement, Benoît insiste d’abord sur deux points essentiels.

  • L’achat et le paiement complet du terrain. Avant toute demande de subvention, il est crucial d’avoir non seulement acheté son terrain, mais de l’avoir entièrement payé. Parfois, la patience travaille pour vous, même si cela prend un moment à rembourser entièrement.

Comme le souligne Benoît, il y a dix ans, lorsqu’on se présentait à la banque pour un prêt et qu’on avait payé son terrain, on recevait facilement l’argent pour se construire, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Que faut-il de plus de nos jours?

  • S’assurer un montant de liquidité entre 30 000 $ et 50 000 $. La plupart des projets de construction qui auront échoué en cours de route seront tués dans l’œuf par un manque de liquidité et de budget fluide lors de la phase de construction. De plus, la présence de liquidité vous aidera à gagner la confiance de l’institution financière prêteuse et de laquelle tout votre projet dépendra pour son financement principal.

 

L’importance de la liquidité

Celle-ci est même fondamentale! Par exemple, il est nettement préférable d’avoir de l’argent dans son compte de banque à l’origine d’un projet de construction, que de posséder déjà les électroménagers qui s’y trouveront, car la banque ne considérera pas ces biens comme un avoir monnayable.
Même si vous êtes très économe et que vous êtes de bons gestionnaires de votre budget personnel et familial, il n’en reste pas moins que la construction de votre maison sera le moment où vous aurez le plus besoin de liquidités dans votre vie. Toute dépense qui peut être reportée, reportez-là! Ne changez pas d’auto avant de vous construire! Chaque dollar à votre compte rendra votre expérience de construction plus fluide.
Cependant, pour le commun des mortels, trouver une liquidité de 30 000 $ à 50 000 $ semble un défi impossible à relever. Pas de panique! Benoît est le maître des solutions.
 

Des solutions proposées

Ce que Benoît a le plus à cœur est que les projets écologiques aboutissent, pour se diriger vers une transition écologique globale. Alors il partage quelques astuces. Comment trouver cette liquidité?

  • Des épargnes : un projet de rénovation ou de construction doit devenir la priorité numéro un de votre vie, si c’est ce vous choisissez de réaliser. Si l’on n’a pas un salaire mirobolant, épargner chaque dollar est peut-être un sacrifice sur votre style de vie (voyages, haut train de vie, automobile supplémentaire, etc.), mais c’est pour une cause qui vous tient à cœur.
  • Un emprunt auprès de proches (famille, amis ou autres) notarié ou non, avec intérêts ou non, selon l’entente, peut-être proposé. Payer des intérêts à des proches que l’on apprécie, plutôt qu’à une institution financière anonyme peut atténuer le coût du sacrifice!

fleur dans une poche
Savoir inspirer son entourage avec un projet écologique de qualité peut vous aider à obtenir de l’aide (sous la forme de prêt ou de don), tout en inspirant aussi d’autres personnes dans cette voie.
Par exemple, lorsque Benoît et sa conjointe ont construit leur maison écologique en mi-vingtaine, ils n’étaient pas riches. Ils ont eu la chance de pouvoir emprunter à chacun de leurs parents 20 000 $ pour leur projet.
Avec un emploi stable, ce n’est pas qu’ils manquaient de revenus, mais il leur fallait la liquidité nécessaire à la réalisation d’un tel projet. Une fois leur maison bâtie, ils ont pu rembourser, sans problèmes, ces montants à leurs parents respectifs.
Benoît offre aussi une astuce importante qui permet de jouer sur les zones grises dans la demande d’un prêt de construction à une institution financière :
Si le prêt provenant de vos proches n’a pas été enregistré en tant qu’acte notarié, vous êtes tout à fait dans la légalité de ne pas le déclarer à l’institution financière. Si la banque ne voit qu’un terrain payé et une absence de dettes : ce ne peut qu’être bon pour votre dossier. Toutefois, si le prêt est officialisé, l’institution financière en sera informée.
Vous avez un terrain payé, une liquidité de 30 000 $ à 50 000 $ et un dossier complet avec les plans de votre future bâtisse? L’art de présenter adéquatement votre dossier à l’institution prêteuse déterminera l’avenir de votre projet. Comment s’y prendre?
 

Crédibilité du projet et du dossier pour l’obtention d’un prêt

Un dossier bien monté fera toute la différence, selon l’expérience de Benoît. Un responsable financier sera sensible aux termes employés pour décrire votre projet, qui pourraient même faire échouer l’obtention du prêt.
Lorsqu’on projette un projet plus alternatif, ce qui peut souvent être le cas pour les constructions de maisons écologiques, il s’agit d’être vigilant sur ce que l’on présente. Le milieu bancaire est par définition un milieu conventionnel qui repose sur des acquis sûrs et des traditions établies et rentables.
Rien ne sert de les inquiéter avec des techniques qui leur seront encore inconnues, telles l’isolation en paille ou en chanvre, même si ce sont des techniques d’une grande efficacité! L’évaluateur, comme nous le verrons plus bas, a juste besoin de savoir que le bâtiment sera isolé, point final!
De toute façon, les techniques de construction ne sont pas de leur ressort. Ils ne sont là que pour évaluer combien vaudra le bâtiment, combien ils vous prêteront (80 % de cette évaluation) et établir les modalités de paiement.
À Belvedair, Benoît a pu observer plusieurs clients dont les projets ont échoué lors de la présentation devant le responsable financier. Le projet était plus que viable, ils ont simplement mentionné trop de détails qui ont joué contre eux.
Parlez plutôt de « maison performante » : une maison qui vous coûtera moins cher en chauffage, ce qui, à leurs yeux, augmentera votre capacité de remboursement! Là vous obtenez leur attention.
Le défi de la formulation et de la présentation ne se joue pas juste dans la présentation du projet auprès d’une institution financière prêteuse, mais aussi auprès d’autres responsables officiels que vous devrez convaincre de la viabilité de votre projet, que ce soit le banquier, l’évaluateur municipal, l’entrepreneur, les sous-traitants, vos amis, votre famille, etc.
Le truc, c’est de toujours vous demander qu’est-ce que cette personne-là veut entendre, comment la rassurer, en étant tout à fait honnête. Tout comme pour un vendeur, dont l’approche varie d’un client à l’autre, sachez vous mettre dans la peau de la personne face à vous.
 

La préapprobation hypothécaire

Selon vos revenus, l’institution financière vous octroiera une préapprobation pour le projet. Il s’agit généralement d’un montant important. Mais attention! Le montant d’une préapprobation n’est pas celui du prêt que vous obtiendrez. Cette nuance est souvent mal comprise, ce qui peut engendrer des conséquences catastrophiques pour la réalisation du projet.
Par exemple, si la banque vous pré-approuve pour 350 000 $, cela ne veut pas dire que c’est le montant qu’elle vous prêtera. Il s’agit plutôt de la somme sur laquelle vous êtes en mesure de survivre au quotidien – et le mot est juste – avec une hypothèque de 350 000 $. Nuance!
Pour vous éviter de multiples recherches, sachez qu’au Québec, à l’heure actuelle, il n’y a que la Caisse Populaire Desjardins qui offre des prêts à des autoconstructeurs.
 

Évaluation et obtention d’un financement

Prenons un exemple concret pour bien illustrer le processus. Vous vous présentez à la Caisse avec un revenu suffisant et stable, un terrain payé et aucune dette  – officielle du moins – des liquidités de 30 000$ à 50 000 $ et un plan de maison à construire. Vous obtenez alors une préapprobation de 350 000 $.
Si, sur les plans de votre maison écologique performante bien isolée – écoabordable –, les coûts de construction s’élèvent à 300 000 $, la Caisse ne vous offrira pas un prêt de cette valeur. Elle évaluera plutôt la valeur de la maison sur le marché.
Il faut comprendre que celle-ci ne veut pas financer 300 000 $ pour une maison qui en vaudrait 250 000 $ sur le marché, car si vous n’êtes plus en mesure de la payer, ils ne pourront pas récupérer ce manque de 50 000 $.
Imaginons, dans notre exemple, que la Caisse évalue votre projet à 217 000 $. Cette évaluation sur le marché couvre l’ensemble de la maison et du terrain, comme un tout.
Vous savez pertinemment que le coût réel de construction de la maison écologique et de celui du terrain est bien supérieur au montant évalué par la Caisse, car celle-ci évalue toujours la maison à 80 % de son coût réel, pour se protéger et se laisser une marge de manœuvre.
La Caisse accepte donc de vous prêter 80 % de ce montant de 217 000 $. C’est-à-dire 173 000 $, pour suivre notre exemple. Le budget se resserre de plus en plus, même si on est en autoconstruction et que l’on reçoit un peu d’aide à côté.
 

Versements du prêt par étapes successives

Mais, ce n’est pas tout. Le montant de prêt de construction de 173 000 $ sera divisé par étapes de construction. En effet, seulement après la création d’un chemin sur le terrain menant à l’habitation et suivant la construction de la fondation, 22 % du montant pourra vous être octroyé. Une fois la charpente montée, un autre montant « x » vous sera concédé, etc. Les grilles sont en général assez standards et chaque étape de la construction est normalisée.
Le problème avec cette façon de faire est que les étapes ne suivent pas la réalité des coûts engendrés pour l’autoconstructeur. Par exemple, une fondation peut valoir, disons 11 %, et la peinture disons 5 %. Un autoconstructeur se rendra vite compte que la peinture d’un habitat ne coûte certainement pas la moitié du coût d’une fondation! Cependant, une fois la peinture effectuée dans un bâtiment, celui-ci prend nettement plus de valeur en cas de saisie et de revente.
 

L’investissement pour un bâtiment efficace ne sera pas pris en compte

Un autre élément fondamental à saisir est que l’évaluateur de la Caisse n’aura que trois heures pour produire une évaluation marchande de votre projet de maison et de terrain. Dans ces trois heures, celui-ci doit :

  • Étudier le plan
  • Remplir une grille d’évaluation
  • Trouver trois comparatifs de maisons équivalentes dans le secteur

On s’entend que celui-ci n’a pas le temps d’entrer dans les détails du plan de la maison et du projet!
Son évaluation se résume sur une seule feuille de papier sur laquelle seront spécifiés : les mesures exactes de l’habitat et si l’habitat est isolé ou non! Aucune nuance ne peut être apportée à ce dernier point que ce soit un haut niveau d’isolation, un faible coût de chauffage annuel grâce à une maison haute-performance sur le plan énergétique, etc.
Le fait que l’habitat coûte 200 $ au lieu de 2 000 $ de chauffage annuel n’est pas un facteur considéré dans la valeur de la maison. La plus-value du coût d’isolation élevé des fenêtres ou des matériaux d’isolation ultra efficaces n’est aucunement prise en compte. Les milliers de dollars de plus que vous investirez dans une isolation de qualité seront totalement ignorés dans son évaluation!
 

Retenue de 15 % jusqu’à la fin du projet en cas d’hypothèques légales

Autre détail incontournable : c’est la règle du 15 %. À chaque paiement promis, la Caisse va retenir 15 % du montant qui vous est prêté. Ce 15 % est retenu jusqu’à 35 jours après la fin du projet de construction de l’habitat.
La raison de cette retenue est que la Caisse se protège ainsi des « hypothèques légales ». En quoi cela consiste-t-il?
C’est un droit des sous-traitants de se protéger contre les mauvais payeurs. Par exemple, si vous n’avez pas payé l’électricien qui est venu installer votre filage, ce dernier a le droit de déposer une « hypothèque légale » qui sera enregistrée et notariée. La Caisse ne peut vous accorder le plein montant de son prêt tant que cette hypothèque légale n’a pas été payée. Pourquoi?
Les hypothèques légales sont prioritaires. Si jamais la maison venait à être liquidée, le sous-traitant serait payé avant la Caisse, ce qui n’est pas à l’avantage de l’institution prêteuse. Alors, celle-ci se protège tout simplement des hypothèques légales. De quelle façon?
Tous les sous-traitants de votre projet ont légalement trente jours après la fin de vos travaux pour déposer une hypothèque légale s’ils n’ont pas été payés. Le délai de 35 jours après la fin de la construction de la maison, pour vous payer tout le montant dû, est une façon pour la Caisse de se protéger entièrement de ce genre de situation et de ne débourser le montant dû une fois le risque d’hypothèques légales passé.
 

La liquidité pour achever la construction

financement manque dargent
Si nous retournons à notre exemple, la Caisse qui avait accepté de vous prêter 173 000 $, ne prête en fait que 150 000 $ durant la construction même, car 23 000 $, qui correspond au 15 % retenu, ne sera déboursé que 35 jours après la fin de la construction du bâtiment complet.
Vous voyez le tableau d’ici, la réalité de l’autoconstructeur est qu’il arrive souvent qu’à cette étape, les fonds en liquidités deviennent pressants et c’est à cette période que les économies ou les prêts de familles ou d’amis de 30 000 $ à 50 000 $ deviennent des ressources inestimables pendant le processus de construction, et ce jusqu’à trente-cinq jours après la fin de celui-ci.
Une fois que le précieux 15 % vous est enfin versé par la Caisse, vous pouvez enfin souffler et rembourser vos proches.
En bref, Benoît offre un regard lucide sur la réalité de la construction d’une maison neuve écologique au Québec, qui s’avère plus difficile que dans le rêve de bien des autoconstructeurs. Toutefois, comme il tient à le souligner, une fois ceux-ci bien avisés des réalités du marché et des étapes à suivre, un projet solide, bien planifié et bien présenté, peut être mené à bien sans problèmes!
Pour plus d’astuces et de conseils de Benoît sur la planification financière d’un projet de construction écologique, suivez le lien au Certificat en Design de Bâtiment Écologique.